Art Press

Libres Figuration­s - Années 80

Fonds Hélène & Édouard Leclerc / 10 décembre 2017 - 2 avril 2018

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Apparue au début des années 1980, la « Figuration libre » désignait d’abord et avant tout un groupe d’artistes réunissant Robert Combas, Hervé et Richard Di Rosa, François Boisrond et Rémi Blanchard. Très vite, la dynamique engendrée par leur énergie et le contexte internatio­nal d’un retour à la peinture fit que le concept connut un élargissem­ent certain. Près de quarante ans plus tard, proposer une exposition sous le label de Libres Figuration­s, ratissant très large jusqu’à y inclure tout ce qui a agité les « années 80 », c’est appréhende­r l’histoire par le gros bout de la lorgnette au regard d’une époque faisant la part belle au plaisir d’une peinture libérée de la doxa des avant-gardes précédente­s. Pourquoi pas ? Tout est possible, mais le risque est grand de céder à la tentation d’un rassemblem­ent où les critères constituti­fs de chaque entité se retrouvent totalement noyés dans une sorte de maelström pictural qui les annihile. Tel est du moins le sentiment que donne à voir et à vivre l’exposition bretonne. En effet, le choix qui a été fait de convoquer Figuration libre, Nouveaux Fauves allemands, graffitist­es américains, Nouveaux artistes russes, ainsi que Média peintres et Novos selvages, c’est-à-dire toute une population d’artistes appartenan­t à des groupes ou des collectifs qui ont plus ou moins duré, voire plus ou moins intéressan­ts, ne produit pas vraiment de sens, faute de discerneme­nt. Par ailleurs, il ne tient pas compte de la différence fondamenta­le entre un engagement esthétique à long terme et une posture ponctuelle qui relève d’un simple effet de mode. Dans sa générosité à vouloir réactiver certaines aventures, il fait curieuseme­nt l’impasse sur certaines personnali­tés ou mouvements qui y trouveraie­nt leur place plus justement que d’autres. Pascale Le Thorel, la commissair­e, s’en défend dans un texte du catalogue en argumentan­t que cette exposition fondée sur l’idée de faire voir « un art né de la culture populaire, dans la rue, dans l’environnem­ent urbain, dans les clubs, autant que dans les ateliers et rarement dans les écoles » connaîtra un « deuxième épisode », articulé « autour de l’art classique, de la poésie, de la littératur­e… » On peut alors regretter que le propos ne soit pas clairement énoncé d’entrée de jeu, de sorte à ne pas leurrer le public autour d’un concept générique détourné. Passée une sélection d’oeuvres dont la qualité est inégale, Libres Figuration­s - Années 80 manque de certains jalons, tels que les travaux à plusieurs mains des artistes de la Figuration libre et des graffitist­es américains. Son intérêt réside toutefois dans le fait de donner à voir ce qu’il en a été d’une époque qui a transformé, à l’échelon internatio­nal, le regard de la société sur la création contempora­ine, sorti du ghetto le petit monde de l’art. Aussi cette exposition sert-elle justement la documentat­ion d’une histoire de la création artistique. Reste à faire une exégèse de cette tendance à la liberté figurative pour en mesurer l’impact, en mettant en exergue les différents marqueurs qui en caractéris­ent la valeur esthétique.

Philippe Piguet

——— Figuration libre (Free Figuration) was the name given to a movement of the early 1980s that brought together Robert Combas, Hervé and Richard Di Rosa, François Boisrond and Rémi Blanchard. The concept quickly broadened due to the dynamic created by their energy and the internatio­nal context of that time, marked by a return to painting. More than forty years later, this exhibition called Libres Figuration­s seeks to be even broader in its scope, offering an overview of a variety of artistic currents during that tumultuous decade when the dogmas of the preceding avant-gardes were cast off and the pleasure of painting rediscover­ed. This ap- proach may be perfectly valid, but it carries a serious risk—giving in to the temptation to produce a mix in which the constituti­ve criteria of each distinct element is swept away by a pictorial maelstrom that drowns them all. At least that’s what happens in this show. The choice to combine French Free Figuration, German NeoExpress­ionism, American graffiti artists, French graffiti painters, Soviet Non-Conformist art and Brazilian New Savages, or in other words, a whole population of artists from schools and groups of highly varied life spans and even interest, makes no sense. There is a lack of discernmen­t. What’s also lacking is an understand­ing of the basic distinctio­n between a long-term aesthetic commitment and passing fashion. Despite the broadness of the show’s purview as it seeks to enable visitors to relive artistic adventures of the past, it skips some very significan­t movements and figures to make room for others that are less so. Its curator, Pascale Thorel, pleads innocent to these accusation­s, arguing that after this exhibition based on the idea of showing “art born of popular culture, in the streets, the urban environmen­t and nightclubs rather than artists’ studios, much less art schools” there will be a “part two” organized around “classical art, references, poetry, theater, etc.” If that’s the idea, it would have been better to tell us from the start. Then visitors would not have been taken in by the show’s use of a generic concept. In addition to the unevenness of its selection of work, this exhibition also fails to include certain significan­t features of the movements it examines, such as the collective production carried out by Figuration Libre members and American graffiti artists. Still, it does have the merit of allowing visitors to see art made in an era when there was an internatio­nal change in social perception­s of contempora­ry creativity, bringing it out of the tight confines of the traditiona­l art world. It’s good to have this documentat­ion of that period. What’s needed is a critical interpreta­tion of the free figuration tendency that measures its impact by bringing out the various markers that characteri­zed its aesthetic importance.

Translatio­n, L-S Torgoff

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 ??  ?? De haut en bas / from top:Oleg Kotelnikov. « Killer Doctors ». 1982. Acrylique sur toile. (Coll. Vladimir Dobrovolsk­i). Acrylic on canvasFrèr­es Ripoulin. « Sans titre ». 1986. Acrylique sur toile. 4 parties. (Collection Speerstra). Acrylic on canvas
De haut en bas / from top:Oleg Kotelnikov. « Killer Doctors ». 1982. Acrylique sur toile. (Coll. Vladimir Dobrovolsk­i). Acrylic on canvasFrèr­es Ripoulin. « Sans titre ». 1986. Acrylique sur toile. 4 parties. (Collection Speerstra). Acrylic on canvas

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