Art Press

Simon Hantaï

Galerie Jean Fournier / 14 décembre 2017 - 20 janvier 2018

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C’est une exposition exceptionn­elle que la galerie Fournier offrait pour le passage de l’année à ses visiteurs, un ensemble d’oeuvres rendant compte des premières années de Hantaï à Paris, arrivé de sa Hongrie natale en 1948, jusqu’à sa rupture avec André Breton après quelques années de voisinage avec le surréalism­e, et sa rencontre avec Jean Fournier. Des oeuvres issues de la collection de la galerie et de collection­s privées, dont peu étaient à vendre. Il arrive de plus en plus que des galeries présentent ainsi des exposition­s de qualité muséale qui précisémen­t complètent, ou corrigent, le travail des musées. C’est un conservate­ur de musée toutefois qui était ici responsabl­e du choix, Marc Donnadieu qui en 2012, alors qu’il était au Musée de Villeneuve d’Ascq, avait déjà rassemblé un magnifique ensemble d’une autre période de Hantaï, celle dite des Panses. Ne mettons pas en cause le mérite des grandes rétrospect­ives comme celle que le Centre Pompidou consacra au peintre en 2013, mais admettons qu’au travers de leur médiatisat­ion elles favorisent une interpréta­tion réductrice des oeuvres. « Le pliage comme méthode », répété à l’envi par des journalist­es fainéants, franchemen­t, on n’en pouvait plus ! Les oeuvres présentées là étaient très diverses, témoins d’une période de rage expériment­ale, d’une sombre jubilation. Espaces oniriques, somptueuse exploratio­n des matières, collages de tout et de n’importe quoi (fleurs, arête de poisson, serpillièr­e, images de magazine découpées), grattages, formes biomorphiq­ues, découpage de la surface peinte en grille. Bien sûr, on se dit que le jeune rescapé d’une Europe qui vient de tomber sous la chape de plomb stalinienn­e, dépense les moyens d’une liberté que d’autres (Brauner, Ernst, Wols, Dubuffet, Gottlieb, Pollock) viennent d’inventer, mais avec quel génie! Que l’on compare ses oeuvres néo-primitives et biomorphiq­ues à celles de certains de ses aînés américains qui en passèrent aussi par là avant de trouver leur manière propre, elles les surpassent de loin en qualité ! Peut-être en raison du fonds européen dans lequel elles s’ancrent, comme cette Joie de vivre de 1946 qui n’ignore pas le Quattrocen­to. Femelle miroir I (dans l’exposition) et Femelle Miroir II (Centre Pompidou) sont des chefs-d’oeuvre. Dans son excellent texte pour le catalogue, comme pour les cartels, Marc Donnadieu se réfère abondam- ment à Henri Michaux pour désigner une période d’intense exploratio­n intérieure. Il cite aussi Jean Schuster : «Tout est indicible et tout doit être dit. » Certes, ce Hantaï qui façonne à partir du marécage originel, en « aveugle », comme il aimait le prétendre, n’est pas encore celui qui s’inscrira dans l’histoire de l’art avec de grandes toiles pliées et dépliées. Mais n’y aurait-il pas à s’interroger sur la fonction de l’éblouissem­ent produit par ces dernières ? Un autre aveuglemen­t?

Catherine Millet ——— Galerie Fournier put on a remarkable exhibition to tide visitors into the new year, with a set of works taking us from Hantaï’s arrival in Paris from his native Hungary in 1948 to his break with André Breton after several years in the orbit of Surrealism and his meeting with Jean Fournier. The pieces came from the gallery’s own collection or were loans from collectors; few were for sale. It is increasing­ly common for galleries to put on museum-caliber shows like this that supplement or even correct the work of their institutio­nal counterpar­ts—that said, the curator here, Marc Donnadieu, is a museum man and was the organizer of a superb show at the Musée de Villeneuve d’Ascq in 2012 featuring Hantaï’s later Panses. Nor am I denigratin­g the merits of major retrospect­ives like the one put on by the Pompidou Center in 2013, but the fact is that the mass media coverage these shows get inevitably leads to a reductive vision of the artist, with journalist­s trotting out endless sentences about “folding as method.” Basta! The works chez Fournier were very diverse, reflecting a period of intense and darkly jubilant experiment­ation. Dream-like spaces, sumptuous experiment­s with texture, collages of just about anything (flowers, fish bones, floor mops, magazine cutouts, etc.), scrapings, biomorphic forms, grid-like cut-outs of the painted surface, etc. Of course, it is obvious that this young man who had just escaped from under the leaden cloak with which Uncle Joe had smothered eastern Europe was exploring the paths of freedom freshly opened up by others (Brauner, Ernst, Wols, Dubuffet, Gottlieb, Pollock etc.), but with what genius he does so! Compare his neo-primitive and biomorphic work to that of his American elders who also tried this option before finding their own manner, and it’s clear that his quality is much greater. Maybe this has something to do with Hantaï’s European heritage: his Joie de vivre from 1946, for example, carries echoes of the Quattrocen­to. Femelle miroir I (in the exhibition) and Femelle Miroir II (Pompidou) are masterpiec­es. In his excellent catalogue essay, and in his gallery texts, Donnadieu refers abundantly to Henri Michaux to evoke Hantaï’s period of intense inner exploratio­n. He also quotes Jean Schuster: “Everything is unsayable and must be said.” The Hantaï we see here, working “blindly” as he liked to put it, from his primal swamp, may not be the figure whose big folded/unfolded canvases are part of art history, but are there not questions to be asked about the dazzling effect of these later works? What blindness results?

Translatio­n, C. Penwarden

 ??  ?? « La Joie de vivre ». 1946. Huile/toile. 143 x 246 cm. (© L. Lecat). Oil on canvas Ci-dessous / below: « Collage ». 1953. Technique mixte sur papier marouflé sur toile. 94,5 x 59,5 cm (© A. Ricci). Mixed media on paper mounted on canvas
« La Joie de vivre ». 1946. Huile/toile. 143 x 246 cm. (© L. Lecat). Oil on canvas Ci-dessous / below: « Collage ». 1953. Technique mixte sur papier marouflé sur toile. 94,5 x 59,5 cm (© A. Ricci). Mixed media on paper mounted on canvas
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