Art Press

Michel Deutsch

- Laurent Perez

Souvenirs épars. Philippe LacoueLaba­rthe, les années théâtre

Christian Bourgois, 176 p., 12 euros

Les philosophe­s français contempora­ins se sont peu intéressés au théâtre : la contributi­on de Philippe Lacoue-Labarthe (dont un volume d’écrits sur le théâtre paraîtra dans la même collection « Détroits ») est d’autant plus essentiell­e que sa pensée se double d’une pratique de la scène. Bien plus que d’un recueil de souvenirs, le livre de Michel Deutsch, écrivain et metteur en scène, s’efforce de penser le rapport singulier et tendu de « Lacoue » avec le théâtre, et le contexte historique qui l’a rendu possible. Ce rapport est critique. Le théâtre après Brecht ne peut être conçu que comme un instrument de lutte contre l’industrie culturelle et sa vocation totalitair­e, et donc contre les formes de représenta­tion qui lui sont attachées. Ce travail de déconstruc­tion de la représenta­tion, de « dé-figuration », passe pour Lacoue-Labarthe par une reprise du théâtre « depuis le début », depuis la tragédie – elle aussi à déconstrui­re, notamment au moyen de la traduction. Ce sont donc les deux traduction­s de Sophocle par Hölderlin qui feront l’objet de son engagement – la première, Antigone, montée avec Deutsch en 1978, avant un OEdipe le tyran vingt ans plus tard. Sans doute cette entreprise ne pouvait-elle alors connaître d’autre lieu que le Théâtre national de Strasbourg, devenu sous la direction de Jean-Pierre Vincent un centre d’expériment­ation au vaste rayonnemen­t. Inspiré de la Schaubühne de Peter Stein et Klaus Michael Grüber, le fonctionne­ment démocratiq­ue de son « Ensemble » prolonge les aspiration­s de Mai 68. Il est surtout la condition d’un travail mêlant recherche universita­ire et mise en représenta­tion, ayant pour fin principale la formation de ses participan­ts, et semblant réduire le spectacle final, dont la beauté et l’intensité sont restées dans les mémoires, à un appendice inessentie­l.

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