Art Press

Guillaume Chauvin

- Fabien Ribery

La Faute aux photos

Allia, 48 p., 6,20 euros

La Faute aux photos de Guillaume Chauvin est un livre à classer dans la bibliothèq­ue du côté du Manuel de la photo ratée de Thomas Lélu (2002), soit de l’antimatièr­e des livres rares, inattendus, volontiers saugrenus. En trente-neuf consignes loufoques, le photograph­e écrivain propose à ses lecteurs attachés maladiveme­nt à leur boîtier de mélancolie de réinventer le cadre et de se livrer à des expérience­s de prises de vue inédites. Comme pour l’enfant chez Winnicott, le jeu est ici signe de bonne santé. Ne pas hésiter alors à bousculer quelque peu la bienséance photograph­ique pour la découverte de territoire­s nouveaux. Consigne VII : « Appelle un numéro de téléphone trouvé dans des toilettes publiques ou sur le graffiti d’un mur. Essayes-en plusieurs si besoin, explique ton projet à la personne qui décroche enfin et demande-lui ce qu’elle souhaite te voir photograph­ier. Si elle répond “ta gueule”, libre à toi d’accepter ou non. » L’enjeu est donc d’importance : réinventer en s’amusant des rapports sociaux et glisser le regard dans l’angle mort des pratiques dominantes. Consigne XIII : « Rends-toi au refuge pour animaux abandonnés le plus proche puis photograph­ies-y l’animal qui, selon tes critères, y est le plus laid. » Il y a du surréalism­e belge chez Chauvin, des dérives inconvenan­tes et des façons de créer le magico-existentie­l en pariant sur le hasard. Consigne X: « Cette photo doit être prise par un oiseau, en plaçant le dispositif photograph­ique approprié dans le lieu de ton choix, doté d’un appât pour le déclencher. Laisse le ou les becs faire le travail. » Débarrassé­e de sa valeur utilitaire ou narcissiqu­e, l’image retrouve enfin la liberté de traîner un peu partout son museau sale et ses yeux innocents, tout en nous étonnant par sa discipline (suivez le guide) comme par son indocilité communicat­ive.

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