Marion Zilio
Faceworld. Le visage au 21e siècle
PUF, 192 p., 19 euros
Qu’est-ce qu’un visage ? Ou, plutôt, de quoi est-il le nom et quels effets produit-il ? Dans un essai novateur, Marion Zilio questionne l’objet visage et déconstruit le socle épistémologique à partir duquel on l’a souvent appréhendé, à savoir comme lieu de l’intériorité, miroir de l’âme, expression des sentiments ou signature de la subjectivité. Traversant l’histoire de l’art (celle du portrait, l’avènement de la photographie…), la philosophie, les sciences humaines, elle soustrait le visage à sa naturalité, à son essentialisation, pour en pointer la construction. Loin d’être donné, le visage est produit par des dispositifs de pouvoir et de savoir, s’avère le résultat d’une cartographie juridique, politique… Faisant fond notamment sur les analyses deleuzio-guattariennes du visage comme instance de surcodage, de signifiance (et leur corrélat, l’appel à une dévisagéification, à un devenir imperceptible), l’auteure interroge l’évolution du visage pris comme artefact technique, ses métamorphoses d’une quête existentielle (modélisation d’un visage choisi, ouvrant sur l’altérité, l’androgynie chez Claude Cahun) en opérateur générant dés-identification, montage d’artifices (Cindy Sherman). Zilio prend à rebrousse-poil la thèse associant inflation des selfies et inflation du narcissisme. Que devient le visage contemporain immergé dans une économie de flux, de simulacres, de procédures de surveillance ? Que véhicule-t-il comme enjeux métaphysiques, politiques, comme rapports intersubjectifs à l’ère des selfies, de son embrigadement algorithmique ? En arrière de ces questions que Zilio explore de manière percutante, l’on se tournera vers une tout autre approche, l’approche lévinassienne, se demandant quelle place demeure pour le Visage comme sommation par l’Autre, espace de l’éthique.