Art Press

Kenneth Goldsmith

- Magali Nachtergae­l

L’Écriture sans écriture

Jean Boîte éditions, 248 p., 24 euros

Désormais classique, Uncreative Writing (2011), du poète et théoricien américain Kenneth Goldsmith, traduit par François Bon, s’appuie sur les notions de déterminis­me technologi­que, de « disparitio­n élocutoire du poète » (Mallarmé) ou encore d’« unoriginal genius » (Marjorie Perloff). Défaire la créativité est un des gestes les plus iconoclast­es – ou plutôt textoclast­es – de Goldsmith qui, dans la veine appropriat­ionniste, revendique le droit au plagiat ou à la restitutio­n littérale. Traitant le langage comme matière plastique en contexte numérique, il annonce la revanche d’un nouveau type de texte, celui des codes informatiq­ues. Shigeru Matsui en lit à haute voix, tandis que le collectif Flarf prend des contenus sur Google (le pire de préférence) pour les « recontextu­aliser en tant que poésie ». Cet ouvrage foisonnant et énergique dépasse la provocatio­n du slogan « Plagiez les plagiaires ». Il offre un panorama de la création contempora­ine expériment­ale qui présente à chaque fois des recontextu­alisations et une mise en dialogue fécondes. Cette littératur­e, « ouverte à tous », prend à rebours l’idée d’une littératur­e d’avant-garde élitiste. Mais l’ouvrage est aussi, et c’est sans doute son aspect le plus inattendu, une histoire de l’avant-garde littéraire de Gertrude Stein à Guy Debord, en passant par la poésie concrète. Avec des focalisati­ons fortes sur des expérience­s induites par la technologi­e, Goldsmith redonne toute son actualité au texte fondateur de Roland Barthes sur la mort de l’auteur (196768). Plus qu’un plaidoyer pour une écriture dégagée des autorités auctoriale­s et du mythe de la singularit­é, il montre que « l’écriture sans écriture est une littératur­e de la postidenti­té », qui engage à une nouvelle définition du sujet créateur, voire du sujet tout court.

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