Gilles A. Tiberghien
Land Art Travelling
Fage, 196 p., 24 euros
En 1993, avec Land Art, Gilles A. Tiberghien jetait les bases théoriques de l’une des dernières grandes épopées artistiques du 20e siècle. Land Art Travelling est la face cachée de ce magnum opus, son versant poétique, sa part de rêve, sa « sombre intimité » agambennienne. Il en révèle le fondement: les voyages qui ont présidé à la théorie, sans lesquels le land art reste insaisissable selon le philosophe. Voir ce mythique road-journal paru en 1996 renaître de ses cendres en narration augmentée est une révolution. Va-t-on connaître la fin de l’histoire, à l’instar de cette table ronde au MAC Lyon où Monsieur Land Art se désolait : «Tout cela ronronne un peu. Je n’ai plus envie de gloser là-dessus ni d’entendre gloser » ? En cinéphile et auteur de fiction, Tiberghien répond en créant un nouvel épisode : «VINGT ANS APRES ». Alors qu’il s’était attaché dans un premier temps, lors de ses pérégrinations transatlantiques de 1991-94, à glaner la parole d’artistes légendaires (James Turrell, Robert Morris, Walter De Maria…) et à faire l’expérience sensible de leurs oeuvres (enrichi de tout ce qu’ils avaient pu lui en dire), l’auteur d’Amitier conjugue son verbe dans ce nouvel opus et montre combien son aventure personnelle s’est doublée d’une passion collective. Propice à de nouveaux projets, en France comme à l’étranger, celle-ci a vu naître les dernières oeuvres de Nancy Holt et Michael Heizer, entre autres pépites (films, expositions…). En refermant le livre, on est pris d’une envie de bazarder ordinateur et smartphone, et de se jeter avec Sartre « sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière ». On rêverait d’aller chercher son exemplaire à la manière des Buried Poems (1971) de Holt, dans une véritable chasse au trésor. Joyeuse et sans fin.