Mireille Blanc
Maison des Arts / 20 mars - 26 mai 2018
Première exposition personnelle de Mireille Blanc dans un e instit ution publique, Peintures, images, rideaux rassemble une tren taine d’oeuvres récentes. R epris par Marie-André Malleville, la Maison des arts propose des expositions ambitieuses de jeunes artistes déjà bien présents sur la scène contemporaine, offrant ainsi à cet espace une vraie dynamique, essentielle à la région. Sur de petites toiles, sur de grandes aussi, Mireille Blanc peint des jo uets avec lesquels plus personne ne semble s’amuser. Cela peut être aussi des vêtements qui appartiennent à des modes passées et parfois ornés de logos illisibles, des rideaux de dentelles de venus improbables, de la vaisselle à motifs, de s coquillages, et, parfois, des gestes – objets et gestes comme suspendus. Les peintures de Mireille Blanc sont, pour la plupart, dan s une gamme chromatique presque neutre – atone, pourrions-nous dire. Cela n’a pourtant rien de nostalgique car si les couleurs semblent sourde s, c’est peut-être parce que les images se trou vent prises dans des filtres successifs de réalités : chaque peint ure est le témoignage d’un long processus. Il y a d’abord des objets, des gestes, des situations que Mireille Blanc photographie, puis imprime. C’est une première app ropriation. P uis elle découpe, recadre, resserre le sujet. Les tableaux témoignent de ce long processus : avec le sujet représenté apparaissent les traces, les accrocs, les bouts de scotch qui seront reproduits dans le table au. Ainsi, les strates – de temps, de réalités – se sont agglomérées. L’image, mise à distance par ses manipulations successives et sa « mise en peinture », s’amenuise et, de ces manières, vient le tab leau. Le papier lisse de photographie a laissé place à une matière épaisse, des coups de pinceaux vifs ponctués parfois de peinture en spray. Le sujet représenté n’est pas tant un pull, un jouet, un gâteau, que les manipulations successives – le temps – qui l’ont vu affleurer.Bref, l’image s’est distanciée et a laissé place à la peinture. Mais que montre Mireille Blanc ? Peut-être une forme de phénoménologie fantomatique : ses toiles saisissent les signes d’un réel en devenir absent. Des objets familiers, encore, qui disparaissent peu à peu, des situations dont nous ne conserv ons, de plus en plus lointainement, qu’un détail. On s ’amusera qu e Mireille Blanc ait choisi comme sujet d’une peinture la planche 39 de l’ Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg – Mireille Blanc fait des citations, souvent discrètes, à l’histoire de l’art. On avancera une hypothèse sur la présence de cette peinture : ainsi cet accrochage d’une trentaine d’oeuvres (outre des tableaux, l’on y trouvera quelques fusains sur calque et, pour la première fois, quelques photographies) de Mireille Blanc peut être à considérer comme une forme d’atlas lui aussi. Ce sont tous – jouets, rondins sculptés ou encore vidéo youtube – des formes de « symptômes culturels », pour reprendre une terminologie warburgienne.
Alexandre Mare ——— For her first solo exhibition at a public institution, Mireille Blanc has gathered together some 30 recent works under the heading Peintures, images, rideaux. Mireille Blanc paints toys which nobody seems to enjoy playing with any more onto canvases both small and large. Once-fashionable clothing, some with illegible logos, sits alongside now-unlikely-looking lacy curtains, and a jumble of motifs, shellfish and sometimes gestures. Both objects and gestures seem to be in suspended animation. In the main, Mireille Blanc’s paintings are ‘atonal’ – in an almostneutral chromatic range. Yet there is nothing nostalgic about them: if the colours are subdued, this is because the images they adorn are seen through a series of reality filters. Every painting is testament to a long process. First there are objects, gestures and situations which Mireille Blanc photographs then prints. This is how she first captures the subject matter. Then she cuts it out, reframes it and narrows her focus. Her paintings attest to this lengthy process: marks, smudges and pieces of tape appear on the canvas alongside the subject. Thus the layers of time and reality accrue. The artist creates a distance from the image through a series of manipulations, and by creating the painting. The original image fades and the painting proper emerges from the very means by which it was created. Smooth photographic paper is ditched in favour of thicker materials, lively brushstrokes and occasional spray painting. The subject of the painting is not so much a jumper, a toy or a cake as a series of steps in which it is handled over time, which have worn it away. In short, the photo has retreated into the background and left behind a painting. What is Mireille Blanc trying to show us? Perhaps this is a study of ghostly phenomena: her canvas captures the signs of a reality as it disappears. The objects remain familiar but slowly fade away; situations retreat until they are nothing but a single, distant detail. Blanc tends to quote, often subtly, from art history. Visitors will surely appreciate Blanc’s reference to Aby Warburg’s Mnemosyne Atlas: she takes its 39th panel as the subject of one painting. There is a theory about the significance of this painting, namely: perhaps Mireille Blanc’s work can also be seen as a sort of atlas? After all, thirty-something works hang in this exhibition (there are paintings, charcoal drawings on tracing paper and, for the first time, some photographs). All the works – be they toys, sculpted logs or YouTube videos – are ‘cultural symptoms’, to coin a Warburgian phrase.
Translation, K. Sanderson