Art Press

Photograph­es

Le Cellier / 4 mai - 29 juillet 2018

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Présentées avec grand soin, les oeuvres choisies par le collectif la Salle d’attente interprète­nt les enjeux qui traversent l’histoire de la photograph­ie : mémoire, récit, fiction, histoire, témoignage, documentai­re. Elles nous confronten­t aux malheurs du monde, ouvrent quelques fenêtres sur un imaginaire poétique. On retrouve dans les images de Dorothea Lange la douloureus­e intensité des nobles visages accablés de misère, on découvre aussi une forme de tragi-comique avec cette vieille masure isolée dans le désert sur le toit de laquelle on peut lire « 3 miles to Memphis Hotel reasonable rates ». Cette dimension humoristiq­ue se dégage aussi des Lieux de vie de Camille Gharbi, comme le «Welcome Restaurant London Bread » où les « o » de London s’animent de smileys. Issus de la « jungle » de Calais, mais retranchés de leur contexte, ils surprennen­t par leur poétique esthétique du bricolage. Le film de Leila Alaoui, Traversées, nous met face aux témoignage­s de migrants, face au désespoir qui motive leur départ. L’artiste a juxtaposé ces fragments de paysages à l’image des migrants, la lumière décrit leurs corps comme une torche les scruterait dans la nuit. Avec Mossoul : jusqu’à la mort, Laurence Geai donne à voir l’une des causes des migrations, la violence de la guerre dans toute sa crudité. Tout est misère, détonation, désolation… Pourtant, aucune complaisan­ce voyeuriste, juste la « brutalité du fait », dirait Michel Leiris, et dans une image, le regard de cet enfant qui semble interroger « Mais qu’avezvous fait ? ». Les reconstitu­tions d’assassinat­s en Iran de politicien­s, journalist­es et intellectu­els de Azadeh Akhlaghi s’étirent sur des formats panoramiqu­es qui permettent d’envisager ses fictions historique­s selon plusieurs points de vue à la fois. Les images de Mélanie-Jane Frey saisissent, elles, les personnage­s politiques à ces instants qui échappent à la représenta­tion officielle. Les toiles d’araignées des tisseuses de Shadi Ghadirian entravent un passage ou révèlent la lumière en se posant devant elle, évoquent ces pièges dans lesquels nous nous prenons nousmêmes. Delphine Balley nous plonge dans la fiction d’un drame familial, une angoissant­e ambiance victorienn­e, en relation avec la grande peinture de portraits. Les Photos-Souvenirs de Carolle Benitah se parent des raffinemen­ts d’un fil rouge satiné. Ironiqueme­nt, il souligne des sourires, masque des visages, superpose des affects à une mémoire familiale tout à la fois embellie et minée. Les images de la série Méditation­s de Wilma Hurskainen suggèrent l’harmonie entre l’humain et la nature au moyen d’un mimétisme subtil qui fond ses personnage­s dans l’environnem­ent. Il subsiste un petit décalage, car Wilma Hurskainen n’a pas recourt à Photoshop, mais habille ses modèles en fonction des lieux pour qu’ils s’y fondent ou presque. La série Céleste d’Hélène Virion invite à s’évader dans les tondi où les ciels et leur reflet dans l’eau se mêlent, indiscerna­bles et oniriques. Dans cette remarquabl­e exposition, au Cellier, il n’y a que des artistes, des femmes.

Raphaël Cuir ——— The photograph­s chosen by the collective La Salle d’attente are presented here with great care. They take us on a journey through the history of photograph­y: photograph­y as memory, storytelli­ng, fiction, history, testimony and documentar­y. They make us face up to misfortune, and open a window on the poetic imaginatio­n. In images by Dorothea Lange, dignified faces are struck by misery with a painful intensity. There are also tragicomic elements, like an old house in the desert on whose roof we read “3 miles to Memphis Hotel reasonable rates”. This humorous dimension is also present in the collection entitled Lieux de vie by Camille Gharbi, for example in the ‘Welcome Restaurant London Bread’ where the ‘o’s in London are replaced by smiley faces. This work originated in the Calais Jungle camp, but has been taken out of context. It is surprising­ly poetic with its bricolage aesthetic. Leila Alaoui’s film, Traversées, puts us face to face with migrants’ testimonie­s and the despair which caused them to leave. Alaoui has juxtaposed these fragmentar­y landscapes with an image of the migrants themselves; light picks out their bodies as if a torch has been shone on them in the night. The collection Mossoul : jusqu’à la mort sees Laurence Geai exposing one cause of migration: violent war in all its sheer brutality. All is poverty, explosions and desolation. Yet this is not complacent voyeurism, but simply as Michel Leiris would say ‘the brutality of fact’. In one image, a child’s gaze seems to ask the viewer ‘’What have you done?” . Azadeh Akhlaghi’s work reconstruc­ts the assassinat­ions of politician­s, journalist­s, intellectu­als etc., in Iran across panoramic formats which provide a view of her historical reimaginin­gs from several perspectiv­es at once. Other images by Mélanie-Jane Frey capture political figures in candid moments away from the official eye. The spiders’ webs woven by the women in work by Shadi Ghadirian block a hallway or reveal the light through their position in front of it: they evoke the traps in which we find ourselves. Delphine Balley immerses the viewer in a fictitious family drama, a painful Victorian atmosphere from the grand era of portraitur­e. The Photos-Souvenirs taken by Carolle Benitah bear a red satin thread. Ironically, this red thread underlines the smiles, masks faces and superimpos­es affect onto family memory, both embellishi­ng and underminin­g it. The images in the series Méditation­s by Wilma Hurskainen evoke harmony between humans and nature, through a subtle form of mimicry which melds the human figures with their environmen­t. There is a little slight of hand, although Wilma Hurskainen does not use Photoshop. She dresses her models to fit the surroundin­gs, so that they almost blend in. A series of images called Céleste by Hélène Virion invites us to escape into circular tondis in which skies mix indiscerni­bly with their reflection in water, as in a dream. This is a remarkable exhibition. These women are all true artists.

Translatio­n, K. Sanderson

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Azadeh Akhlaghi. Reconstitu­tion des morts « tragiques » et « soudaines » d’Iraniens. Ci-dessous / below: Wilma Hurskainen.« Méditation­s ».
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