Art Press

Camille Brunel

La Guérilla des animaux

- Laurent Perez

Alma, 280 p., 18 euros L’animalisme n’avoue pas volontiers sa part de misanthrop­ie : dans la Lebensrefo­rm allemande du début du 20e siècle, végétarism­e et antisémiti­sme ne sont que des rubriques d’un souci plus général d’hygiène. Avec la Guérilla des animaux, Camille Brunel exprime sans fausse pudeur une haine de l’humanité puisant au plus noir du romantisme français de Michelet à Hugo et surtout Lautréamon­t (à qui il a consacré une Vie imaginaire en 2011). Voyant dans le règne animal un ultime sanctuaire de beauté et d’innocence dans un monde dévasté, son héros, Isaac Obermann, entreprend d’assassiner chasseurs et braconnier­s, bientôt secrètemen­t financé par des réseaux écologiste­s liés à Hollywood qui en font une icône à la Che Guevara, produits dérivés à l’appui. Le dispositif du récit emprunte autant aux blockbuste­rs apocalypti­ques de Roland Emmerich qu’à Walt Disney. Ces ressorts ne sont pas dénués d’efficacité, comme dans la scène où le héros demande sobrement « pardon » à son chat devant un océan Pacifique vomissant des montagnes de plastique. Mais l’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans la descriptio­n des ressorts de l’animalisme radical, à l’aide notamment de l’« autoportra­it » de l’auteur qui conclut le roman. La clé en apparaît tardivemen­t, lorsque le héros explique à une enfant soucieuse d’inculquer le respect des animaux aux humains qu’« il faut qu’ils sentent [ son] regard à l’intérieur d’eux ». Ce regard intérieur est bien celui du Dieu du protestant­isme, dans lequel l’auteur explique avoir été éduqué. Sous ce regard, la réalité est d’une vaste indifféren­ce: Isaac parcourt un monde fait de lieux désincarné­s, interchang­eables ; le progrès est technique ; le sexe est fade. « Contre le monde, contre la vie », presque houellebec­quien, ce nihilisme est bien de ce monde-ci.

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