Dominique Fourcade
Improvisations et arrangements. Entretiens avec P.O.L, 464 p., 20 euros
En 2012 paraissait manque, un recueil d’élégies portant en germe les deux derniers ouvrages de Dominique Fourcade. On peut y lire que « la vie est un courant sans cesse interrompu et que c’est la mort qui est une électricité continue ». Six ans plus tard, le poète consacre, avec deuil, un livre désemparé à la mort brutale de son éditeur, et publie le recueil d’entretiens improvisations et arrangements, couvrant ces 40 dernières années. Dix ans de silence poétique se sont écoulés, entre 1973 et 1983, avant que ne paraisse le Ciel pas d’angle, ouvrage majeur de l’auteur. Cette interruption dans l’écriture n’en est pas vraiment une, puisque Fourcade se consacre alors à étudier l’apport à la modernité de peintres tels Matisse, Hantaï ou Cézanne. À l’image de ce dernier produisant une surface « où la profondeur est supprimée, où l’aplat et la respiration sont les modes de son vocabulaire », le poète élabore une poétique du raccord et de la juxtaposition, « mise à plat de tous les éléments composant le réel » dont il souligne la filiation avec l’esthétique du montage chère à Godard. « Notre phrase, ajoute-t-il, n’a ni réellement de sujet, ni de verbe, ni de complément: notre syntaxe est celle des rapports. » Ces entretiens accordés à des revues, des radios ou simplement échangés en public, sont l’occasion de dessiner les contours d’une oeuvre exigeante dont on perçoit aujourd’hui combien elle est arrimée à une conscience tragique de la mort en acte : « Pour écrire, il y a à décéder, avance Fourcade, et plus on écrit, plus on va loin dans le décès, l’écriture accélère le processus de mort de l’écrivain. » Reste au lecteur le loisir de redécouvrir une oeuvre poétique ancrée dans toutes les composantes d’un réel inatteignable autrement que sur le mode de ce que le poète définit comme celui du « mélodique stellaire ».