Timothée Picard
Olivier Py, Planches de salut Actes Sud, 416 p., 29 euros
Dans cette première monographie sur Olivier Py, Timothée Picard déploie la vision du monde et la poétique de l’écrivain, dramaturge, metteur en scène. Interrogeant l’ontologie de Py (la scène comme vérité du simulacre), la place de l’outrance kitsch, Picard analyse la manière dont Py déconstruit les questions d’identité, de genre, et élit un dispositif érotico-religieux au sein duquel la sexualité, notamment homosexuelle, masochiste et queer, est pensée comme voie vers la transcendance. Vertébré par l’érotisme et la mystique, l’imaginaire de Py fait du théâtre et de l’opéra des lieux où se déploie une scène de fantasmes dominée par la transgression des tabous (inceste, parricide…) et le questionnement du passé colonial. La connexion biographique de l’homosexualité et du catholicisme serait transfigurée dans les créations. Recherche de la sainteté à travers l’abjection (héritée de Genet…), backroom comme « équivalent moderne des églises »… l’auteur met l’accent sur une quête spirituelle dont le corps nu, torturé, n’est que le marchepied. La filiation établie entre Py et Claudel trouve son origine dans une même aspiration à la transcendance. Nouant la vie à l’oeuvre, une des chevilles ouvrières s’énonce comme la « reconversion de la vocation ecclésiastique dans le domaine théâtral ». Picard montre avec force combien Py trace une voie à l’écart d’un certain théâtre contemporain rallié à l’absurde et au non-sens : l’art s’affirme comme réponse au vide spirituel, au nihilisme, comme promesse de retournement du néant en présence. Repérant des motifs de la symbolique chrétienne mais aussi du paganisme dans l’écriture et le langage scénographique de Py, Picard retrace l’unité de ses créations, leurs obsessions, sans lisser les hétérogénéités.