Judy Chicago
Through the Flower. Mon combat d’artiste femme Les Presses du réel, 232 p., 28 euros
La traduction de Through the Flower de Judy Chicago se faisait attendre. Cet essai théorico-auto-biographique, sorti en 1975, lorsque l’artiste n’avait que 36 ans, ne promet donc pas un long récit de vieille briscarde. Centré sur l’éducation artistique de Chicago, la mise en place du Feminist Art Program à Fresno, la Womanhouse ou encore le Women’s Building, le livre est bien plus qu’un récit à la première personne: il propose également de nouvelles méthodes pour penser l’art des femmes, loin des caricatures essentiali-santes qui ont parfois été données de la pensée féministe de l’artiste, comme en témoigne l’introduction de Géraldine Gourbe. Il vient révéler l’importance du slogan « Le personnel est politique », issu des réflexions de Virginia Woolf dans Une chambre à soi (1929): la recherche d’un lieu où travailler comme le désir d’indépendance financière sont posés comme base d’une activité artistique pleinement maîtrisée. Les réflexions de Chicago sur la possibilité de la non-mixité, la difficulté d’assumer les figures de pouvoir féminines ou encore le contournement de l’expression de la colère chez les femmes sont aujourd’hui encore pleinement d’actualité, même si on peut regretter la rareté des mentions des contemporaines de Chicago : artistes comme théoriciennes, celles-ci semblent les grandes absentes du texte. Ce dernier se fonde, en effet, essentiellement sur les remises en question permanentes de l’auteure, entre confiance en soi et doutes, qui tournent souvent au monologue que l’on a peine à suivre. Toutefois, en dépit d’une traduction parfois hâtive, Through the Flower arrive à point nommé: les écrits d’artistes femmes méritent d’être davantage accessibles, pour mieux comprendre les mécanismes d’éviction de leur pensée comme de leur travail.