Images abstraites réalisées sans appareil, photographies de rue, portraits de célébrités, peintures, éditions d’artiste, décors de théâtre, sculptures cinétiques : la multiplicité des pratiques artistiques de l’Allemand Chargesheimer, né à Cologne en 1924 et mort en 1971, dévoile son désir inextinguible d’expériences. Personnalité mystérieuse, Carl-Heinz Hargesheimer aurait changé de nom pour se démarquer d’un père national-socialiste, se serait mutilé un poumon pour ne pas être enrôlé dans la Wehrmacht, se serait suicidé. Au-delà de la légende, sont attestées chez cet artiste une recherche constante de renouvellement ainsi qu’une énergie hors du commun pour donner forme à ses désirs ; la photographie l’accompagne le long de sa courte carrière. Après la défaite de l’Allemagne, le champ photographique professionnel est à reconstruire : repenser les enjeux théoriques et esthétiques, redéfinir le vocabulaire visuel afin de recréer un système de légitimation débarrassé des principes nazis. Entre 1948 et 1953, Chargesheimer réalise des photographies expérimentales. Pour Leo Fritz Gruber, directeur artistique de la Photokina de Cologne, « ses montages, photogrammes et peintures à la gélatine ne peuvent pas être ignorés » et sont inclus dans la première édition de la foire en 1950 ; ils sont également présentés en 1952 et 1954 dans les expositions Subjektive Fotografie dirigées par Otto Steinert, chef de file du groupe Fotoform. Chaos et harmonie comme principes de création trouvent un aboutissement en 1961 dans Lichtgrafik Monoskripturen, ouvrage limité à vingt-cinq exemplaires. Dix chimigrammes originaux y sont publiés : chaque tirage est unique puisqu’obtenu par manipulation directe des produits chimiques sur le papier. Cette cosmogonie liquide, répétée mais jamais identique, couronne les recherches photographiques expérimentales de l’artiste.