Portés par la force du groupe, animés chacun d’une énergie singulière, ils s’avancent vers nous dans une course joyeuse et désordonnée. Act n°50, Groupe 01 (2008-11) est l’une des photographies les plus puissantes de Denis Darzacq. Rendu célèbre par la Chute (2005-06) et Hyper (2010), qui mettaient spectaculairement en scène les corps virtuoses de danseurs de hip-hop saisis en apesanteur dans la rue ou un supermarché, le photographe français né en 1961 a, pour la série Act, tourné son appareil vers les corps contraints de handicapés physiques ou mentaux. Mais la rupture n’est qu’apparente, car la méthode et l’objectif sont identiques. La méthode consiste à confronter des corps à des environnements et l’objectif est de donner une autre image de ces minorités sociales, physiques et psychiques et, à travers elles, de toutes les minorités. En France, aux États-Unis ou, comme ici, en Angleterre, Darzacq a fait sortir les handicapés des établissements médicalisés pour leur faire prendre possession de l’espace public. Il les a placés dans de nouveaux contextes qui, à l’instar d’un musée ou de la nature, sont associés à une idée de la beauté à laquelle ils ne semblent a priori pas correspondre ou, comme une salle des mariages, à des droits qui leur sont refusés. Il les a aussi fait sortir d’euxmêmes, encourageant certains à se dépouiller de la prothèse que représente le fauteuil et sans laquelle ils ne peuvent qu’être allongés au sol. Dans tous les cas, Darzacq a recherché les signes d’affirmation de soi qui se manifestent dans le simple choix d’une tenue ou d’une pose, dans le mouvement de la marche ou de la course, voire dans une gestuelle qui esquisse une chorégraphie spontanée. Pour la série Act 2 (2015), il a montré ces gestes à des danseurs de l’Opéra de Paris qui ne les ont pas imités, mais interprétés dans un renversement des plus signifiants. Il n’y a ainsi nul voyeurisme chez l’humaniste Darzacq qui s’intéresse à la différence pour la dépasser. Il n’entend, en effet, pas souligner ce qui nous sépare mais, au contraire, mettre en lumière ce qui nous rassemble, ce qui constitue notre humanité commune. Ils courent vers nous. Nous leur emboîterons donc le pas.
OEuvre à retrouver sur le stand de la galerie RX.