John Gossage. «The Last Days of Fontainebleau ».
2017. C-Print. 180x140 cm (Court. Sage, Paris).
Derrière les feuilles dorées se dresse un noble tronc à l’écorce rugueuse. Le ciel bleu conforte la sensation de chaleur douce qui baigne cette vue sylvestre automnale. Rien de sauvage, tant la structure de l’image enserre le regard dans un canevas presque grillagé ; une invitation à pousser les branchages pour pénétrer un espace accueillant mais confiné ou à aller au-delà de l’arbre. Cette photographie, issue d’un ensemble d’une quarantaine de vues de forêt, a été réalisée par John Gossage en face de sa maison, dans le Rock Creek Park (Washington, D.C.). Cadrage architecturé, jeux de lumière subtils, effets de matière: autant de caractéristiques propres aux photographies que Gustave Le Gray réalise dans la forêt de Fontainebleau entre 1849 et 1852. The Last Days of Fontainebleau, titre de la série de Gossage, évoque en effet ces années cruciales où la photographie affirme ses qualités esthétiques face à la peinture. Les améliorations techniques et la prise en main des outils par des artistes permettent de conjuguer l’art de la composition avec l’enregistrement du réel. Gossage concilie ici la couleur de Corot et la structure de Le Gray. Avec ses photographies de paysage, l’Américain né en 1946 s’inscrit dans une tradition qui possède une valeur politique indéniable. Au 19e siècle, des photographes comme Timothy H. O’Sullivan ont consolidé les bases idéologiques du pays en vantant le sublime de la nature américaine. Cent ans plus tard, Lewis Baltz constate avec froideur l’impact de l’urbanisation de l’espace américain. Le mythe se déconstruit, le banal devient sujet et le territoire n’est plus compréhensible sans une lecture économique et sociale. Ces préceptes s’appliquent aux photographies de The Last Days of Fontainebleau. Parées des atours du sublime, elles révèlent la quête continue de Gossage pour esthétiser « les sujets les plus communs », ici le monde végétal policé d’un parc devenu national en 1890. Elles sont destinées à une publication, écho à The Pond (1985), un « paysage narratif » dans lequel le lecteur devenait le protagoniste ; ou, selon la formule de Baltz rapprochant leur démarche en 2010, « le sujet de l’oeuvre est la personne qui le regarde ». Avec finesse, elles invitent à se cacher dans des espaces verts civilisés, refuges empreints d’inquiétante étrangeté.
OEuvre à retrouver sur le stand de la galerie Sage.