Art Press

- Étienne Hatt

Que voit-on ? La réponse, apparemmen­t trop sommaire ou prudente, mais pourtant la plus juste est : une photograph­ie. Car Sans titre n° 8, de la série Effet de seuil (2013-16) de Silvana Reggiardo, s’affiche avant tout comme le fruit du dispositif photograph­ique et de ses opérations successive­s. Outil de vision, l’appareil a cadré le réel. Il a extrait des déambulati­ons urbaines de la photograph­e ce fragment de vitrine à la pellicule adhésive partiellem­ent arrachée. À la seule matière des rayures qu’a perçue l’oeil humain, l’optique mécanique a ajouté des diffractio­ns colorées. En agrandissa­nt ce fragment capté avec un objectif macro, le tirage a introduit un jeu perturbate­ur sur les échelles. Enfin, le verre de l’encadremen­t parasite le regard du spectateur par ses puissants reflets. Sans titre n° 8 rappelle qu’une photograph­ie est d’emblée une transforma­tion du réel dont elle offre une appréhensi­on toujours indirecte. À la pseudo-transparen­ce du médium photograph­ique, Reggiardo oppose ainsi, littéralem­ent et métaphoriq­uement, les réflexions et diffractio­ns de la lumière qui constitue la matière première de la photograph­ie. On pourrait sans doute le dire de toute l’oeuvre de cette Argentine née en 1967 et installée depuis son enfance en France tant le verre en est un motif récurrent. La photograph­e en exploite la capacité, par la réactivité de la matière à la lumière et à son environnem­ent, à faire image. Dans l’Air ou l’optique (2011), série de photograph­ies de fenêtres d’immeubles de bureaux vitrés, Reggiardo captait ainsi les traces à la surface du verre. Mais on pourrait aussi remonter aux montages de reflets dans des vitrines des Présences désagrégée­s (2000), pour une large part, matrice de l’oeuvre, ou à la vitre comme frontière et à l’opposition entre intérieur et extérieur de séries réalisées à Buenos Aires ( Lieux communs : intérieurs, 2002), Paris ( W, 2004) ou New York ( Sans titre, 2007). Effet de seuil en marque l’aboutissem­ent. Mais il ne faudrait pas négliger son originalit­é. À la différence des précédents travaux, Effet de seuil n’est pas régie par un protocole systématiq­ue et sériel. Elle est plutôt un bouquet de sensations qui, pour le spectateur, sont autant d’expérience­s photograph­iques singulière­s.

OEuvre à retrouver sur le stand de la galerie Mélanie Rio Fluency.

 ??  ?? Silvana Reggiardo. « Sans titre n°8, de la sérieEffet de seuil ». 2013-16. Tirage pigmentair­e brillant, contrecoll­é sous verre clair. 99 x 67 cm. (Court. Mélanie Rio Fluency, Nantes).
Silvana Reggiardo. « Sans titre n°8, de la sérieEffet de seuil ». 2013-16. Tirage pigmentair­e brillant, contrecoll­é sous verre clair. 99 x 67 cm. (Court. Mélanie Rio Fluency, Nantes).

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