Festival Images
Divers lieux / 8 - 30 septembre 2018
Une étonnante baleine gonflable flottant dans les airs, oeuvre de Daido Moriyama ( A Tale of II Cities 4), accueille le visiteur en gare de Vevey. Le ton est donné. On tombe ensuite sur un policier d’Arnold Odermatt en pleine acrobatie au milieu d’une route ( En service) : et voici le thème de l’édition du Festival Images 2018 planté. Au gré des déambulations dans la ville balnéaire de Vevey, sur les rives du lac Léman, Fumiko Imano ( We Oui !) invente une soeur jumelle par le truchement de l’appareil photographique, Pachi Santiago ( Copying Claudia) vit son obsession pour Claudia Schiffer et Jenny Rova ( I would also like to be, A work on jealousy) incruste ses portraits sur le visage de sa rivale. À bien des égards, le contrat du directeur du festival, Stefano Stoll, est rempli : « Extravaganza. Hors de l’ordinaire. Mot festif et savoureux, l’extravagance évoque la fantaisie, l’humour, l’absurde. Elle peut provoquer surprises et angoisses. Elle a la faculté de nous extraire de la monotonie du quotidien. » L’un des enjeux de chaque édition de cette biennale d’arts visuels tient d’une gageure : trouver des lieux susceptibles d’accueillir plus d’une soixantaine de projets. À ce titre, l’ensemble des supports de l’espace public est mis à contribution. À l’exemple, réussi, de cette cabine téléphonique désaffectée dont Henry Leutwyler ( Hi There) a recouvert les parois avec les pages du carnet d’adresses de Frank Sinatra ( Cary Grant, Gene Kelly mais aussi Henry Kissinger ou Richard Nixon) au son de My Way. Autre lieu, autre ambiance. Une insolite ancienne droguerie révèle dans son sous-sol les Catacombes de Mr. Skeleton, série de douze courts-métrages en noir et blanc. À la manière du cinéma muet burlesque, ils mettent en scène différents personnages – galeriste, banquier, voleur, médecin et le maléfique Mr. Skeleton – et sont le fruit d’une collaboration entre Augustin Rebetez et le performer Martin Zimmermann qui les incarne tous. Une scénographie ludique et bricolée joue ainsi avec l’ambiance même du lieu. Comme le précise Stefano Stoll, le festival « expérimente l’image différemment, par des installations et des scénographies qui sortent de l’ordinaire ». Astucieusement, l’exposition de Peter Puklus ( The Hero Mother – How to Build a House), interrogeant les rôles sociaux du père et de la mère dans la construction de la cellule familiale, investit l’ancien appartement du chef de gare de Vevey. Sous forme de travaux sculpturaux, photographiques et performatifs, le visiteur découvre notamment des images imprimées sur des objets de la vie quotidienne (tasse, calendrier, housse de couette). L’essence de Vevey est bien cela, une corrélation étroite entre le sujet, l’espace et sa présentation. Même si certains projets peuvent parfois sembler anecdotiques, c’est finalement ceux à l’accrochage plus classique qui apparaissent avec moins de force. Certes, telle série sur la vie de l’excentrique Polonaise Ewa racontée par Lorenzo Castore ( Ewa & Piotr) ou tel lot de vieux polaroïds reconstituant une expédition dans la jungle mexic0aine du duo Cristina de Middel et Kalev Erickson ( Jungle Check) sont de belle facture. Mais ils manquent peut-être de l’« extravagance » placée au coeur de cette édition.
Safia Belmenouar