SOLITUDES EN SCÈNE
SOLITUDE ON STAGE
Pourquoi les comiques sur scène sont-ils solitaires sans procurer le sentiment de la solitude? Parce qu’ils cultivent la communication avec la salle et, ensemble, instaurent un échange animé par le rire, un dialogue de groupe. Rien n’est plus étranger à un pareil exploit que la solitude. Le solitaire du plateau dépasse sa condition en suscitant l’effervescence d’un contexte collectif. Il y a une autre solitude, plus restreinte, confidentielle : la solitude du personnage. Personnage solitaire qui se replie sur lui-même, personnage cloîtré, voué à l’examen de son passé en ruines. Tchekhov, Pirandello ou Cocteau sont à l’origine de ce dispositif, mais c’est Beckett qui l’imposa en écrivant ses deux chefs-d’oeuvre, la Dernière Bande et Oh ! les beaux jours. Chaque fois, un être arraché au monde procède à une visite rétrospective de sa vie pour faire le constat d’échec. Peter Stein a monté, avec Klaus Maria Brandauer et ensuite avec Jacques Weber, une Dernière bande placée sous le signe du cinéma muet et du cirque, du bouffon cher à cet auteur jamais rétif à l’humour. Il se plaçait à l’opposé de David Warrilow, l’acteur préféré de Beckett, qui égrenait les mots de Krapp avec ironie, comme un adage sans mélancolie. Et la solitude de Winnie, combien de fois ne l’ai-je pas partagée ? Mais, aujourd’hui encore, je n’ai pas oublié celle de Giulia Lazzarini au Piccolo Teatro. Au-delà de la solitude de la femme enterrée dans ses souvenirs, perçait le sourire de cette actrice qui avait joué, comme nulle autre, Ariel. Son esprit planait sur les Beaux Jours de Giorgio Strehler.
ENTRE LECTURE ET MONOLOGUE
La solitude préalable du personnage est distincte de la solitude choisie par l’acteur. Acteur de tous les possibles, lancé en solitaire dans le récit d’un roman ou d’une pièce. Cette fois-ci, le plaisir de jeu développé par un interprète virtuose saisit le spectateur ébloui. Comme jadis dans Orlando de Virginia Woolf, mis en scène par Robert Wilson, où Jutta Lampe d’abord et Isabelle Huppert ensuite épousaient le mouvement de ce personnage incertain qui tra- verse les époques et les territoires. Migration ludique ! Exaltation de l’acteur seul en scène ! Enivrement de la performance! Robert Wilson cultive la fluidité ponctuée par des images qui surgissent rapidement pour se fondre ensuite dans le flot du spectacle. Ces derniers temps, Isabelle Huppert présente ici ou là, en Chine ou en Europe, un spectacle de théâtre-récit à partir de l’Amant de Marguerite Duras. La séduction provient de la « transition » subtile, sans cesse cultivée, entre la lecture et le monologue. À qui appartiennent ces paroles de l’actrice seule en scène ? L’actrice est tantôt lectrice, tantôt interprète. Entre-deux poétique du livre et du personnage, va-et-vient incessant qui captive par cette subtile alternance. Solitude apaisée. Patrice Chéreau a pratiqué longtemps l’exercice de la lecture, lecture des textes dont il éprouvait l’attrait et projetait les mots comme s’il s’agissait de les convier pour une mise en scène future, possible. Promesse du théâtre, réserve à l’égard du théâtre : posture double ! Ne répond-elle pas à l’incertitude dont j’éprouve sans cesse le déchirement : amour et désamour du théâtre. La solitude est ce qui reste lorsque le dépouillement a été opéré et que l’on a sauvegardé l’ultime noyau : l’acteur seul. Acteur appelé à parcourir en public les pages d’un livre ou à restituer un personnage. Comme le font en ce début de saison deux interprètes admirables, Bruno Abraham-Kremer, dans l’Angoisse du Roi Salomon de Romain Gary (Émile Ajar), au Lucernaire, à Paris, ou Christophe Delessart qui propose l’image puissante de Jean Valjean au Théâtre Essaïon, à Paris (mise en scène : Elsa saladin). L’un comme l’autre se sont approprié ces personnages, car l’acteur solitaire les érige en partenaires de vie. L’acteur seul est le maître des héros solitaires ou des récits qu’il porte avec soi à travers le temps. Le plus fidèle « conjoint » théâtral de Marcel Bozonnet, n’est-ce pas la Princesse de Clèves ? Quand Giulia Lazzarini s’inquiéta auprès de Strehler car, se considérant comme trop jeune pour le rôle de Oh! les beaux jours, celui-ci lui répondit : « Ne te préoccupe pas, tu joueras Winnie toute une vie. » Comme Madeleine Renaud.
DÉFI ET RISQUE
La solitude implique défi et risque pour l’acteur. Nous avons tous été saisis par la concentration extrême et les mots prononcés avec lenteur par Isabelle Huppert dans Psychose
4.48, mots qui procuraient à la salle le sentiment d’entendre la psalmodie du chemin vers la mort. Ou ce spectacle mémorable avec Médée matériau d’Anatoli Vassiliev où Valérie Dréville se dressait en victime absolue sans prendre aucune précaution d’actrice et alors nul soupçon n’était permis ni la moindre réserve exprimée. Il y a peu, elle a retrouvé sa Médée et lui a consacré un livre : Face à Médée (Actes Sud). Une grande actrice allemande, Edith Clever, s’imposa aux Bouffes du Nord, il y a longtemps, en jouant seule Penthésilée de Kleist sous la surveillance de Hans-Jürgen Syberberg. Elle ne se livrait à aucune exubérance performative, et telle une sculpture, austère, face à nous, en alternant les registres vocaux, elle lançait les mots du texte en direction de son amant/metteur en scène, spectateur solitaire. Assis à ses côtés, j’ai ressenti de plein fouet la solitude de Clever comme la condition retrouvée, originaire, de l’acteur seul. Récemment, je ne suis pas sorti indemne d’un spectacle, découvert à Sibiu, en Roumanie, avec l’Iliade donné par Denis O’Hare, acteur américain, qui avait pour seul partenaire un contrebassiste. Il alternait les personnages, masculins ou féminins, le passé éloigné et le présent le plus récent, il suscitait des émotions soit pour restituer l’amitié tragique de Patrocle et Achille, soit pour communiquer la douleur déchirante d’Hécube, la mère martyre. Conteur des origines, récitant premier ! Il y a une force inouïe que l’on retrouve dans les formes initiales du théâtre, ressuscitées et pas encore galvaudées. La force du geste primordial… Sorti, je suis resté seul longtemps… Il faut voir cet Iliade l’année prochaine à Paris ! Dans un récit d'Antonio Tabucchi intitulé Théâtre, le narrateur, égaré dans une région africaine inaccessible, reçoit l'invitation à se rendre à un dîner en tenue de soirée chez un Anglais. Surpris, il découvre que son hôte, ancien acteur, le convie dans une salle improvisée où, sur une estrade, se trouve uiquement une chaise que va occuper celui-ci face au spectateur solitaire qui se laisse emporté par la récitation « monologale » des grandes pièces de Shakespeare, du Roi Lear et Othello au Songe d’une nuit d’été. Double solitude... Comme lorsqu’une comédienne a joué pour moi, dans une salle vide, un récit sur les camps du Goulag, Vingt ans en Sibérie ... ——— How can actors on stage be so solitary without generating a sense of loneliness? It is because they foster communication with the audience and together establish an exchange punctuated with laughter, a group dialogue of sorts. Nothing is more foreign to such an endeavour than loneliness. The lone figure on stage bypasses their condition by eliciting the energy of a collective context.
READING AND MONOLOGUE
However, there is another form of solitude that is more restricted or confidential: the loneliness of the character. A solitary character who retreats into themselves, a cloistered figure consumed with examining their ruined past. Chekhov, Pirandello and Cocteau are at the source of this device, but it was Beckett who developed it in writing his two masterpieces, Krapp’s Last Tape and Happy Days. In both plays a figure removed from the world retrospectively examines their life only to declare it a failure. Peter Stein, Klaus Maria Brandauer and later Jacques Weber mounted a performance of Krapp’s LastTape influenced by silent cinema and the circus, portraying a buffoon dear to an author who never shied away from humour. Their performance was contrary to that of David Warrilow, Beckett’s favourite
actor, who uttered Krapp’s words with irony, like an adage without melancholy. How many times have I shared Winnie’s loneliness? Even today, I still remember that of Giulia Lazzarini at the Piccolo Teatro. Beyond the solitude of a woman lost in her memories, could be seen the smile of an actress who had played Ariel better than anyone else ever could. Her spirit lingered over Giorgio Strehler’s Happy Days. The character’s prerequisite solitude is distinct from that chosen by the actor. They are the actor of all possibilities, launched solo into the story of a novel or a play. This time, the joy of acting developed by a masterful performer seizes the awed spectator. As was the case with Orlando by Virginia Woolf, directed by Robert Wilson, where firstly Jutta Lampe and later Isabelle Huppert married the movement of this uncertain character, who spans ages and territories. A ludic migration! The joy of the actor alone on stage! An intoxicating performance! Robert Wilson cultivates a sense of fluidity punctuated by the images that emerge quickly and blend into the flow of the performance. Recently, Isabelle Huppert has presented, in various venues both in China and in Europe, a performance of theatrenarrative based on The Lover by Marguerite Duras. The seduction stems from the subtle ‘transition’ that is constantly cultivated between reading and monologue. To whom do these words of the solitary actress on stage belong? She is sometimes a reader, sometimes a performer. A poetic in-between of the book and the character, an incessant coming and going that fascinates by means of this subtle alternation.
SOLITUDE APPEASED
Patrice Chéreau long practised the exercise of reading, reading texts that appealed to him, projecting the words as if calling them forth for a possible future performance. The promise of the theatre, reservation with respect to the theatre: a dual position! Is this not an answer to the uncertainty whose wrenching I constantly feel: love and disenchantment with the theatre. Loneliness is what remains when the stripping away has been done and the ultimate kernel has been saved: the lone actor. An actor called on to read in public the pages of a book or to bring a character to life. As is done by two admirable performers at the beginning of this theatrical season: Bruno Abraham-Kremer in L’Angoisse du Roi Salomon by Romain Gary (Émile Ajar), at the Lucernaire in Paris, and Christophe Delessart, who gives a powerful performance of Jean Valjean at the Théâtre Essaïon in Paris (directed by Elsa Saladin). Both have appropriated these characters, because the solitary actor themselves as a partner in life. The single actor is the master of the solitary hero, of the stories they carry within them over time. After all, isn’t Marcel Bozonnet’s most faithful theatrical ‘spouse’ La Princesse de Clèves? When Giulia Lazzarini shared her worries with Strehler about being too young for her role in Happy Days, he replied: ‘Don’t worry, you’ll be playing Winnie your entire life.’ Like Madeleine Renaud.
CHALLENGE AND RISK
For an actor solitude involves defiance and risk. We were all dumbfounded by the sheer concentration and words uttered slowly by Isabelle Huppert in Psychose
4.48, words that gave the audience the impression that they were privy to a psalm of the dying. Or the memorable performance of Anatoli Vassiliev’s Médée matériau where Valérie Dréville portrayed the victim incarnate, stripped of all acting ploys. No one dared doubt her or expressed the slightest reserve. Not long ago, she was reunited with her Medea and dedicated a book to her: Face à Médée (Actes Sud). Quite some time ago, the great German actress Edith Clever made a name for herself at the Bouffes du Nord playing Kleist’s Penthesilea, directed by Hans-Jürgen Syberberg. She did not engage in any performative exuberance and faced the spectator like an austere sculpture. Alternating vocal registers, she threw the text’s words in the direction of her lover/director, her sole spectator. Sitting beside him, I felt Clever’s solitude as the original, restored condition—that of the sole actor. Recently I was affected by a staging, in Sibiu, Romania, of the Iliad performed by Denis O’Hare, an American actor, whose only stage partner was a double bassist. He switched between male and female characters, the distant past and the most recent present. He aroused emotions while recounting the tragic friendship of Patroclus and Achilles, or communicating the heartbreaking pain of Hecuba, the martyred mother. The storyteller of origins, the first narrator! There is an incredible strength to be found in the original forms of theatre, resurrected and not yet overused.The strength of the primordial gesture. After the show I needed to be on my own for some time. I highly recommend this Iliad, scheduled to be performed next year in Paris! In a story by Antonio Tabucchi titled Theatre, the narrator, stranded in a remote African region, receives an invitation to attend a black-tie dinner party in the home of an Englishman. He is surprised when he discovers that his host is a former actor, and the latter invites him into a makeshift room. On a platform is a single chair that will be occupied by the actor as he sits opposite his sole spectator who allows himself to be carried away by a recital of monologues from some of Shakespeare’s greatest plays: King Lear, Othello, A Midsummer Night’s Dream, etc. A dual solitude … This account reminds me of the time an actress performed a story about the Gulag camps, Twenty Years in Siberia for me alone, the sole spectator in an empty room.
Translation: Emma Lingwood
Le film de fin d’études d’Alisa Berger est un long-métrage de 73 minutes, produit avec les moyens techniques de l’école. Une oeuvre en Cinémascope et DOLBY 5.1, intitulée Die Körper der Astronauten [Les corps des astronautes] et dans lequel deux soeurs s’inventent des voyages en fusée avec un casque de moto sur la tête, tandis que leur frère livre son corps à des expériences scientifiques sur l’apesanteur. Il faut souligner que, dans le vocabulaire relatif à la conquête de l’espace, Alisa Berger a choisi le terme astronaute (utilisé pour les Américains) et non cosmonaute (pour les Russes) ou spationaute (pour les Européens). Elle montre peut-être ainsi que, même si elle est née en Union soviétique, sa vie est faite d’Internet, de langue anglaise et de voyages. Surtout pas de nostalgie. Dans son film, elle tisse le lien entre l’une des plus grandes mythologies du 20e siècle (la conquête de l’espace et ses héros au destin tragique) et le commun des mortels, resté sur Terre. Il est inutile de rappeler comment, au coeur de la Guerre froide, Yuri Gagarine et Neil Armstrong s’opposèrent sans jamais se rencontrer. Mais ces personnages, ces icônes, avaient aussi une âme et un corps : c’est ce qu’Alisa Berger nous rappelle dans un film plus proche des errances existentielles de Solaris (1972) d’Andreï Tarkovski que de la grandiloquence de l’Étoffe des héros (1983) de Philip Kaufman. Le post-colonialisme fait partie du discours ambiant, des thématiques que les biennales les plus diverses aiment nous servir. La biographie d’Alisa Berger pourrait parfaitement entrer dans cette catégorie, elle s’en sert dans ses propres oeuvres en évitant toute forme d’exploitation malsaine. En effet, il serait facile pour une artiste née en Urss d’un père juif ukrainien et d’une mère coréenne de rappeler la violence avec laquelle la Russie au 19e siècle puis l’Union soviétique au 20e ont conquis des territoires et éradiqué des langues. Mais lorsqu’elle aborde ce sujet, l’artiste fait preuve d’humour et de distance. En 2016, à l’occasion d’une exposition interrogeant l’existence et la nature de la frontière entre l’Asie et l’Europe, Alisa Berger réalise Three Borders. Ce film se présente comme un diaporama de 55 minutes d’archives familiales. La voix de l’artiste accompagne les images, récitant un texte autobiographique qui dévoile aussi divers contextes historiques : comment Staline déporta les populations d’origine asiatique, comment des Ukrainiens se retrouvèrent dans le Caucase, comment les douaniers ne peuvent comprendre le lien entre un passeport et un visage. Jusqu’à une émigration en Allemagne au début des années 1990 qui, si elle est une chance pour l’artiste, se révèle un problème pour son père, incapable d’apprendre et d’intégrer la langue allemande. C’est une histoire de langues : le russe, l’ukrainien, l’allemand et le coréen, qui convergent finalement en une seule personne. L’esthétique de Three Borders se situe entre le Godard de Histoire(s) du cinéma (les effets vidéos en moins) et le Chris Marker de la Jetée (le diaporama en forme d’essai littéraire). L’oeuvre joue avec les anecdotes familiales (l’exil de la grand-mère, le mensonge du père lors du mariage) et les moments cruciaux de l’Histoire (génocides, chute du bloc de l’Est). Si la fin de l’histoire est vite compréhensible – tous ces personnages vont, un jour, se rencontrer pour donner naissance à Alisa Berger – il ne s’agit pas là d’un exercice prétentieux ou nombriliste. Elle est amoureuse de sa famille, de son père artiste et de sa mère graphiste, et elle rend avant tout un hommage sensible à des personnes prises dans les tourments de l’Histoire. LE POIDS DES CORPS La biographie d’Alisa Berger pourrait sembler extraordinaire mais, finalement, dans le contexte historique de l’ex-Union soviétique, elle est une parmi tant d’autres. Son histoire personnelle entraîne désormais l’artiste à la recherche d’étranges racines. Lors d’une résidence à Erevan, en Arménie, elle installe des effets pyrotechniques pour « mettre le feu » à un bâtiment en ruines ( Domesticated Spectacle, 2017) et, peu après, elle part au Japon pour filmer et apprendre elle-même la célèbre danse butô ( Ghosts of Body, 2018). On pense évidemment à Hito Steyerl qui, avant de devenir l’égérie de la génération post-Internet, réalisa le génial Lovely Andrea (2007), reportage où elle visitait l’archipel à la recherche de photographies bondage pour lesquelles elle avait posé plusieurs années auparavant. Mais si Hito Steyerl a un lien familial direct avec le Japon, Alisa Berger n’a que celui d’être partiellement asiatique. Elle évoque d’ailleurs, avec beaucoup d’humour, cette « partie » d’elle-même dans Three Borders, alors qu’elle se remémore son adolescence et le moment où un de ces deux yeux a pris une forme plus bridée que l’autre. Mais ce qu’elle recherche dans le butô, tout comme dans son premier film, ce sont des corps mutilés, maquillés ou transformés. Dans cette danse née dans le Japon de l’après Nagasaki et Hiroshima, la lenteur fantomatique et le poids des corps ont une dimension essentielle. Ce même poids que les astronautes, cosmonautes ou spationautes essaient d’oublier le temps d’un vol dans l’espace, ce poids que notre biographie a inscrit sur nos visages, ce poids familial qui fait de nous ce que nous sommes.
German artist Alisa Berger, graduate (2016) of Cologne’s prestigious Kunsthochshule für Medien (KHM), was born in 1987 in Makhachkala, Dagestan, Russia and grew up first in Lviv, Ukraine and then in Essen, Germany. Her work blends cinema, video, installation and performance, playing with historical references and personal anecdotes to tell absurd, incredible, poetic stories. Alisa Berger’s graduation film is a 73-minute feature, produced using the school’s technical resources. A work in Cinemascope and DOLBY 5.1, titled Die Körper der Austro
nauten ( The Astronauts’ Bodies), two sisters take invented rocket trips wearing a motorcycle helmet while their brother lends his body to scientific experiments on weightlessness. Note that from the vocabulary related to the conquest of space, Alisa Berger chose the term astronaut (used by the Americans) and not cosmonaut (used by the Russians) or spacenaut (Europeans). Perhaps her choice demonstrates that though born in the Soviet Union, her life is made up of the Internet, English and travel. But mostly, not of nostalgia. In her film she weaves the link between one of the 20th century’s greatest myths (the conquest of space, its heroes and their tragic destinies) and the common people on the Earth. It is not helpful to recall how, in the middle of the Cold War, Yuri Gagarin and Neil Armstrong opposed each other without ever meeting. But these figures, these icons, also add souls and bodies: this is what Alisa Berger reminds us of in her film, closer to the existential wanderings of Andrei Tarkovski’s Solaris (1971) than to the grandiloquence of Philip Kaufman’s Hero
Fabric (1983).
HUMOUR AND DISTANCE
Post-colonialism is one of the discourses, the themes, that even the most diverse biennials like to deliver to us. Alisa Berger’s biography could fit neatly into this catalogue, and she uses it in her own works, avoiding any form of morbid exploitation. Indeed, it would be easy for an artist born in the USSR to a Jewish Ukrainian father and a Korean mother to recall the violence with which Russia in the 19th century and the Soviet Union in the 20th conquered territories and eradicated languages. But when she approaches this subject, the artist shows her humour and her distance. In 2016, for an exhibition questioning the existence and nature of the border between Asia and Europe, Alisa Berger produced Three Borders, a 55-minute slide show from her family’s archives. The artist’s voice accompanies the images, with an autobiographical text that also adds various historical contexts. How Stalin deported people of Asian origin, how Ukrainians ended up in the Caucasus, how customs officers cannot comprehend the link between a passport and a face. Until her emigration to Germany in the early 1990s, which while an opportunity for the artist, proved problematic for her father who was unable to learn and integrate the German language. A history of languages: Russian, Ukrainian, German and Korean, which finally converge in one person.
THE BODY’S WEIGHT The aesthetic of Three Borders sits between that of Godard of the Histoire(s) du Cinéma (the video effects at least) and Chris Marker of La Jetée (the slide show as a form of literary essay). A game with fairy stories (the grandmother’s exile, the father’s lie when marrying) and crucial moments in history (genocides, the fall of the Eastern Bloc). While the story’s end is quickly understandable—one day, all these characters will meet to give birth to Alisa Berger—this is not a pretentious or self-analysing exercise. She loves her family, her artist father and her graphic designer mother, and above all, she pays tribute to people caught up in the torments of history. Alisa Berger’s biography may seem extraordinary, but in the historic framework of the former Soviet Union, it is one of many. Following on from her story, the artist now searches for strange origins. During a residency in Erevan, Armenia, she set up pyrotechnic effects to ‘ set fire’ to a ruined building ( Domesticated Spectacle, 2017) and soon after, she left for Japan to film, and learn, the famous Butoh dance ( Ghosts of
Body, 2018). Obviously, we think of Hito Steyerl who before becoming the post-Internet generation’s muse, realized the brilliant
Lovely Andrea, a documentary of her visit to Japan searching for the bondage photographs that she had posed for several years earlier. But while Hito Steyerl has a
direct family link with Japan, Alisa Berger is only ‘part’ Asian. She humorously evokes this part of herself in Three Borders, as she recalls the moment in her adolescence when one of her two eyes took a more slanted shape than the other. What she looks for in Butoh, though, just as in her first film, are mutilated, masked and transformed bodies. In this dance, born in Japan after Nagasaki and Hiroshima, ghostly slowness and the body’s weight have a vital dimension. That same weight that astronauts, cosmonauts and spacenauts try to forget as they are flying into space, that weight that our history has written on our faces, the weight of family that makes us what we are.
Translation: Bronwyn Mahoney Thibaut de Ruyter is an architect and independent curator. He lives in Berlin. Alisa Berger Née/ Born 1987 à / in Machatschkala (Dagestan) Vit et travaille à Cologne / Lives and works in Cologne Expositions récentes / Recent exhibitions: 2016 San Diego Underground Film Festival Arthena Foundation, Dusseldorf Anthology Film Archives, New York 2017 Museum Centre Peace Square & Goethe Institut, Moscou; Die Grenze, Krasnoyarsk, Russie Artplay, Saint-Pétersbourg Bangkok Art & Culture Centre, Bangkok MMOMA Moscow Museum of Modern Art, Moscou Film festival Max Ophuls, Sarrebruck (nominée pour le prix du meilleur film)