Art Press

Véronique Bergen

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Tous doivent être sauvés ou aucun

Onlit, 276 p., 18 euros Le dernier roman de Véronique Bergen ressemble, au premier abord, à une dystopie façon la Ferme des animaux de George Orwell, les chiens ayant remplacé les cochons. Et puis non, rapidement, on se rend compte, une dystopie supposant une « morale » (les cochons ont reproduit une dictature humaine trop humaine), qu’il n’en est rien: les chiens qui parsèment le récit comme autant de témoins de la folie humaine n’ont pas pris le pouvoir, ils ne jouent pas « à l’homme » ; c’est tout simplement l’Om (tel que l’écrit Bergen), à la fin du récit, qui semble promis à l’autodestru­ction suite à son saccage aveugle de tous les écosystème­s. Tous doivent être sauvés ou aucun est l’histoire de cette « promesse » : dans chacun des dix chapitres, un chien plus ou moins célèbre raconte son martyre par l’homme, qui son sacrifice dans l’espace, qui la destructio­n du biotope des Indiens Yanomani, qui l’assassinat pur et simple des huskies lors de la conquête des pôles (suivant ce théorème: « Un chien de traîneau tire à peu près l’équivalent de son propre poids. Chaque fois qu’un traîneau s’allège de ce poids, un chien devient inutile »). Chaque chien-narrateur semble prendre à témoin une chienne-historienn­e – comme dans Salò de Pasolini – nommée Eva qui « cherche un chien écrivain qui relaterait la capture des chiens errant dans les rues de Moscou… un poète qui stropherai­t les entraîneme­nts au sol… le stress démentiel » ; ce chien est une « chienne » : c’est Bergen, qui crie pour essayer de juguler la grande folie collective dans laquelle nous sommes tous entraînés. Ce cri n’est jamais plus troublant que quand on est mis dans la position de témoin de la terreur révolution­naire en France, via la voix de la chienne de Marie-Antoinette. L’Empire du Bien est alors mis à mal: il faut (aussi) sauver le canidé Mops!

Guillaume Basquin

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