Paul Ardenne
Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène
La Muette, 288 p., 35 euros D’emblée, l’auteur part de ce postulat : « Que peut l’art, dans cette partie? Rien ou si peu. » Un aveu d’échec? Au contraire, l’art se niche dans ce « si peu », en éclaireur de consciences, pèlerin d’un nouveau monde, gardien de notre éthique, à l’heure où l’enjeu écologique est majeur. Réchauffement climatique, montée du niveau des océans, émissions de gaz à effet de serre, déforestation… En 1778, Buffon écrit, comme la description pressentie de l’anthropocène: « La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme. » Étude d’histoire de l’art, cet essai esquisse aussi la silhouette d’un manifeste militant pour un « art écologique », si tant est qu’il en existe un. La difficulté réside en effet dans sa définition. Au début des années 1960, land art, performances corporelles et arte povera se côtoient sur fond de contre-culture et de création des partis verts. Mais la césure arrive avec Joseph Beuys et la plantation de ses 7000 chênes en 1982 à la Documenta de Cassel. Les contours d’un art écologique, alors flous, se précisent. Paul Ardenne s’emploie à dessiner la figure de cet « éco-artiste » dont les créations sont plus contextuelles et documentaires qu’esthétiques, plus discrètes que spectaculaires, impossibles à muséifier ou à vendre, actions citoyennes symboliques et collaboratives, audelà de la représentation: cabanisme d’Abraham Poincheval, recréations végétales d’Olga Kisseleva ou Sam Van Aken, captations sonores du collectif SAFI, dépollution de l’eau des Orta… À ne pas confondre avec le greenwashing – le « vert » à toutes les sauces –, l’art écologique doit être engagé et efficace, miroir de notre « mauvaise » conscience collective, voire lanceur d’alerte. Une graine vouée à refaçonner l’ordre esthétique établi. Vers un « anthropocènart » ?
Julie Chaizemartin