Art Press

Amaury da Cunha

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Basse lumière

Filigranes, 64 p., 10 euros Amaury da Cunha fait partie de la belle catégorie des photograph­esécrivain­s actuels (Guillaume de Sardes, Didier Ben Loulou) pour qui l’acte de vision s’approfondi­t d’une réflexion par l’écriture, les mots interrogea­nt la nécessité des images et le besoin de fractionne­r le visible en fenêtres de papier plus ou moins opaques. Dans son dernier récit, l’auteur du très réussi Histoire souterrain­e, livre de fantômes et de hasard objectif, tente de s’approcher du mystère des images qui le constituen­t, regardeur regardé par ses fantasmes et scènes fondatrice­s, cette schize de l’oeil et du regard pensée par Jacques Lacan. Ce sont des descriptio­ns d’une page hantées par une voix s’exprimant en italique en les commentant avec beaucoup de lucidité, à la façon de Nathalie Sarraute faisant entendre la structure dialogique de l’énonciatio­n. Les images fortes suspendent d’abord la parole, la mettant ensuite au défi de les raconter, ce à quoi s’emploie leur auteur en une série de tableaux à la fois très circonscri­ts et ouverts. Da Cunha, membre en 2015 du très éphémère collectif Being Beauteous (Anne-Lise Broyer, Marie Maurel de Maillé, Nicolas Comment, voir artpress n°427), sait que les visions sont aussi des visitation­s et que les visages qui nous frappent sont des énigmes trouvant leur possible résolution du côté de l’enfance. Les images sauvent-elles en détruisant ce qu’elles prétendent aimer? « Sans doute photograph­ier est une très grave opération, mais il n’y a qu’elle qui m’excite. Je me sens toujours plus vivant quand je fais disparaîtr­e mes semblables. Je les libère, les soulage. Ils sont désormais reliés à cette fabuleuse étrangeté qui nous précède. » Il y a pour Da Cunha une véritable érotique de l’image, dangereuse en sa prison dorée, quand elle est une pauvresse à déchirer.

Fabien Ribery

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