Hesse & Romier
Barbarians
GwinZegal, 60 p., 24 euros Tels des créateurs de décors, de personnages et d’accessoires de théâtre, les photographes Cécile Hesse et Gaël Romier créent des univers imaginaires en constante mutation. Lors d’une résidence au Centre d’art GwinZegal, les plages du nord de la Bretagne leur ont servi de décor nocturne pour des mises en scène d’où l’on voit surgir d’étranges créatures: une femme-pieuvre, un homme-vache, un poisson-bâton, un crabe-télécommande, des napperons-spirographes… Ces êtres hybrides se cachent, se terrent, errent, flottent dans des espaces tissés de mystère, évoquant des habitats rudimentaires (grotte, bunker, nid). Traversant les époques et les folklores, le livre croise le destin de l’humanité, faisant se succéder des évocations de la grotte originelle, du dolmen, de la soucoupe spatiale. Le soin apporté aux mises en scène se retrouve dans le raffinement de cette édition. Proche du catalogue sur papier glacé, le livre s’ouvre et se clôt sur l’image d’un drapeau symbolique et monochrome (rose au début, puis noir déchiqueté) ; entre les deux se déploient les scènes d’un étrange territoire, offrant différentes lectures comme en témoignent les deux textes qui accompagnent les images. « Photographier constitue un acte de fiction dont la finalité vise autant à subordonner le vrai et le faux qu’à infléchir le visible sous le pouvoir de l’imagination », rappelle Julia Hountou dans son beau texte d’accompagnement. C’est à travers un récit fictionnel que Michel Poivert dévoile son analyse des photographies qu’il considère comme des documents sur l’esthétique de l’anthropocène dans laquelle « l’intersectionnalité du végétal, de l’animal, du minéral et de l’aquatique, du bâti, de l’ornement, de la barbarie et du luxe, conduit le genre humain à être soumis à d’incessants mouvements d’inversions ».
Anne Immelé