Expérience Pommery # 14, L’Esprit souterrain
Domaine Pommery / 14 septembre 2018 - 15 juin 2019
Domaine Pommery / 14 septembre 2018 - 15 juin 2019
La 14e édition de cette manifestation atypique, bien à propos intitulée l’Esprit souterrain, a été confiée à Hugo Vitrani, l’un des commissaires d’exposition du Palais de Tokyo. Il y a développé un intéressant programme d’art urbain dans les anfractuosités de l’institution. Si le titre peut paraître convenu, il en va tout autrement des oeuvres. Les grands volumes des crayères accueillent quelques installations gigantesques conçues en fonction de ceux-ci. On pense notamment aux canalisations verticales d’Holly Hendry, au château gonflable d’Antwan Horfee, aux douilles de Matias Faldbakken et bien sûr à l’escalier monumental éclairé et sonorisé par Pablo Valbuena. Cependant, l’apport de cette édition se situe ailleurs, avec la dimension picturale de certaines oeuvres émanant du street art et de l’un de ses supports dérivés : la bâche. Les conditions atmosphériques particulièrement humides de ces souterrains empêchent en effet d’y exposer des supports fragiles comme des toiles classiques, mais non pas des peintures murales ou des graffitis, sans oublier des projections vidéo, dont celle d’Alix Desaubliaux. D’emblée, au rez-de-chaussée, hommage est rendu à SAEIO (1987-2017) à travers une série de peintures mixant différentes techniques et la projection de films expérimentaux qui se dressent comme autant d’écrans dans le vaste cellier Carnot. Ce préambule atypique introduit l’oeuvre plus discrète d’Olivier KostaThéfaine qui se loge, pour une part, au plafond avec ses noirs de fumée produits par des flammes de briquet ( Contempler le ciel) et, pour l’autre, au sol, avec son immense moquette dont les motifs floraux reprennent ceux des strapontins du RER A. Ce revêtement de sol sera amené à se dégrader comme les sièges le sont par vandalisme. Ici, la dégradation est naturelle (passage des visiteurs, humidité, moisissures) ; d’autres artistes en jouent, comme SKKI©. Ce dernier s’empare des persistantes traces d’humidité sur les murs qu’il détourne en les reproduisant en une multitude de fragiles lignes de néons de couleur verte ; l’ensemble confère à la crayère Bacchus une ambiance stroboscopique qui rappelle une rave party. La surface des murs décatis constitue aussi le support des interventions d’Aline Bouvy, avec ses rats humanisés sculptés en bas-reliefs, clins d’oeil aux monumentaux bas-reliefs historiques des lieux, ou de Guillaume Bresson qui vient, lui, parasiter les murs suintants avec ses photographies et ses peintures. Cette détérioration rapide des matériaux se veut ici constitutive d’une façon différente de réaliser des oeuvres, en prenant en compte leur dégradation annoncée et prévisible. L’autre option est celle de l’emploi de matériaux plus résistants, comme les supports plastiques utilisés par le collectif des peintres, graffeurs et sculpteurs KAYA, tandis que le parcours se termine en apothéose par l’installation picturale et vidéographique monumentale de Florian et Michael Quistrebert.
Bernard Marcelis ——— The 14th edition of this unusual event, aptly titled L’Esprit Souterrain (Underground spirit), was entrusted to Hugo Vitrani, a curator at the Palais de Tokyo. He has developed an interesting urban art programme in the institution’s nooks and crannies. If the title is appropriate, so too are the works on display. The chalk quarries’ large volumes house several enormous installations, created especially for the site. Examples include Holly Hendry’s vertical pipes, Antwaan Horfee’s bouncy castle, Matias Faldbakken’s gun cartridges and of course, the monumental staircase with lighting and sound designed by Pablo Valbuena. However, the input for this edition comes from elsewhere: the pictorial dimension of some of the works originates from street art and one of its derived materials: the tarpaulin. The particularly humid atmospheric conditions of these underground passageways prevent the presentation of more fragile materials like traditional canvases, but not murals or graffiti, or video projections, such as the one by Alix Desaubliaux. On the ground floor tribute is paid to SAEIO (1987–2017) through a series of paintings combining different techniques and the projection of experimental films on a num-ber of screens in the vast Cellier Carnot. This atypical preamble introduces the more discreet work of Olivier Kosta-Théfaine presented partly on the ceiling—black smoke marks left by the flames of a light-er ( Contempler le ciel)— and partly on the ground with the huge rug with floral motifs identical to those found on the seats of the RER A train line. This floor covering will gradually be damaged just as the train seats are by vandalism. However, here the degradation is natural (public traffic, humidity, mould). Indeed other artists such as SKKI utilize these factors: he makes use of the site’s vagaries—the persistent traces of damp on the walls—which he subverts by surrounding them with fragile green neon lines. The ensemble provides the Bacchus quarry with a stroboscopic ambiance, evocative of rave parties. The surface of the ageing walls also constitutes the material for Aline Bouvy’s work, with her human-like rats sculpted as basreliefs, a nod to the monumental historical bas-reliefs found on the site. Guillaume Bresson on the other hand, covers the seeping walls with photographs and paintings. The rapid deterioration of the materials is intended to constitute a different way of producing artwork, by taking into account their expected and certain degradation. The other option is to use more durable materials, such as the plastic materials used by KAYA, a collective of painters, graffiti artists and sculptors. The exhibition culminates in the monumental pictorial and video installation by Florian and Michael Quistrebert.
Translation: Emma Lingwood