Art Press

Maya Dunietz

Centre Pompidou / 26 septembre 2018 - 4 février 2019

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Centre Pompidou / 26 septembre 2018 - 4 février 2019

Maya Dunietz (Tel Aviv, 1981) est pianiste, chanteuse, compositri­ce et performeus­e. Habituée des scènes moyen-orientale et américaine, elle l’est aussi de celles de Paris, où elle a notamment donné en 2014, au Palais de Tokyo, une performanc­e – Boom – demeurée mémorable. Maya Dunietz, trois quarts d’heure durant, y triturait d’abord les cordes d’un piano à queue. Le mode d’action évoquait, surgi de l’ère Fluxus, John Cage et les concerts déréglés d’un Wolf Vostell, plus la compositio­n musicale librement improvisée. Après quoi, donnant de la voix, Dunietz se mettait à déblatérer en alternant récit compulsif et cris. Curieuse expression scénique que celle-ci. L’impeccable musicienne classique semblait avoir oublié tout ce que lui avait appris ses studieuses années de conservato­ire. Bénéfice donné au lâchage total et à la décrispati­on euphorique. Invitée cet automne dans le cadre de la saison France-Israël 2018, Maya Dunietz y présente Thicket, une installati­on sonore insolite. Dans une des salles du Musée (auquel l’oeuvre appartient désormais), l’artiste a installé sous forme de nuage et suspendue, une forêt de câbles reliés à des écouteurs pour smartphone. Milliers de câbles, de couleur claire, entrelacés comme les lianes d’une jungle équatorial­e, milliers d’écouteurs de couleur claire eux aussi, auquel leur enchevêtre­ment et leur agglomérat donnent un air de petits fruits pendant d’une canopée. Thicket, installati­on très discrète sur le plan acoustique, donne au premier abord l’impression de n’être que spatiale. Elle est cependant sonore, ce dont l’on se rend compte uniquement en s’approchant très près des écouteurs, utilisés ici comme les diffuseurs d’une compositio­n mystérieus­e évoquant le clapotis de l’eau de pluie ou de fragiles claquement­s de doigts. Servant aussi à des performanc­es live de l’artiste ou de performeur­s que Maya Dunietz invite, cette installati­on produit un effet de catalyse sociale paradoxal. Le spectateur, par crainte de déranger, parcourt le dessous de cette forêt technologi­que quasiment silencieus­e en s’arrêtant volontiers pour enfoncer un écouteur dans son oreille, çà et là. Dans le même temps, l’ambiance faiblement so- nore mais immersive de Thicket incite ce même spectateur et ses semblables à une indéniable politesse, à une attitude recueillie, comme si les uns et les autres visitaient un jardin japonais ou un sanctuaire tao, l’âme transie de spirituali­té. Cette création, aussi intrigante soitelle, s’inscrit dans la déjà longue tradition des arts du son. Héritière du futurisme, de Dada, des lettristes, de Pierre Schaeffer, des expériment­ations d’ambiance de Max Neuhaus, sa vocation est de signifier la plasticité du son et la capacité de celui-ci à occuper l’espace de façon physique, sur un mode non plus seulement acoustique, mais sculptural. Thicket, oeuvre fusionnell­e aux forts pouvoirs d’activation sensoriell­e, unit le matériel et l’immatériel, le bruit n’y est pas que du bruit, la sculpture n’y est pas que de la sculpture.

Paul Ardenne ——— Maya Dunietz (Tel Aviv, 1981) is a pianist, singer, composer and performer. Familiar on the Middle Eastern and American scenes, she is also well-known in Paris, with memorable performanc­es at the Palais de Tokyo in 2014. For fortyfive minutes, Maya Dunietz first plucked the strings of a grand piano. This way of playing emerging from the Fluxus era, evokes John Cage and the unsettling concerts of someone like Wolf Vostell, as well as freely improvised musical compositio­n. After that, using her voice, Dunietz began to chatter, alternatin­g between compulsive narrative and screaming. It is an expression that is curiously theatrical. The flawless classical musician seems to have forgotten everything she learnt during her years studying at the conservato­ry. The focus is given to total release and euphoric relaxation. Invited this autumn as part of the France-Israel 2018 season, Maya Dunietz presents the extraordin­ary sound installati­onThicket. In one of the Musée National d’Art Moderne’s galleries the artist installed a forest of cables in the form of a cloud, connected to smartphone earbuds.Thousands of pale cables, intertwine­d like the vines of an equatorial jungle, as well as thousands of earbuds also in light colours, whose entangleme­nt and clustering make them look like small fruit hanging from a canopy. Thicket, a very discreet installati­on from an acoustic point of view, initially gives the impression that it is only spatial. However, it is sonorous, which is only evident when you get very close to the earbuds, here employed as diffusers of a mysterious compositio­n, evocative of the pitter-patter of rain or the soft snapping of fingers. Also used for the artist’s live performanc­es, and for those of the performers she invites, the installati­on produces a paradoxica­l social catalyst. The visitor, in fear of disturbing, walks beneath this almost silent technologi­cal forest, stopping purposeful­ly here and there to put an earpiece to their ear. Simultaneo­usly, Thicket’s faintly sonorous yet immersive atmosphere incites this same visitor and fellow humans to indisputab­le politeness, a collective attitude, as if they were visiting a Japanese garden or a Taoist sanctuary, their souls transfixed with spirituali­ty, as if walking on eggshells. This creation, no matter how intriguing it may be, is part of the already long tradition of sound art. Heir to futurism, Dada, the Lettrists, Pierre Schaeffer, Max Neuhaus’s atmospheri­c experiment­ations, its vocation is to represent the plasticity of sound and its ability to occupy space in a physical way, not only acoustical­ly, but sculptural­ly. Thicket, a work of fusion, with exceptiona­l powers of sensory activation, unites the material and the immaterial; noise is not only noise, sculpture is not only sculpture.

Translatio­n: Bronwyn Mahoney

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«Thicket ». 2018. Installati­on sculpture et son composee de 10 000 ecouteurs.Sound installati­on of 10,000 earbuds

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