Lisette Lombé
Black Words
L’Arbre à paroles, 96 p., 12 euros
Lisette Lombé est tombée dans la poésie à la faveur d’une insulte raciste, face à laquelle elle décida un jour de riposter. Ce recueil de poèmes, produits entre 2015 et 2018, est cette réponse qui a trouvé sa voix et sa forme, flamboyante, performée et en images. L’ouvrage retranscrit des textes de performances initialement réalisées sur des scènes de slam. Et malgré cette transformation, la présence scénique, la voix et l’énergie de la poétesse irradient encore la page. Alternant photomontages, collages et textes, les mots noirs de Lombé mettent en scène une poétesse artiste dans son corps social, familial, politique et poétique: l’ombre de l’histoire coloniale plane dans l’ouvrage, à travers les photographies, la question de la filiation et de l’image du corps noir. Le premier poème, N°16, fait suite à une mystérieuse photographie qui ouvre le livre. Il rend hommage à la fière posture d’une jeune noire portant un badge « n°16 », manifestement au service d’une tablée de colons belges, tous anonymisés par un petit carré blanc sur leurs yeux. Dans Qui oubliera ? Lombé reprend une phrase clef du discours de Patrice Lumumba pour en faire un poème à deux voix, celui d’une figure mythique des indépendances africaines et celui d’une femme prise dans une joute culturelle permanente. Asma, poème poignant, raconte le départ d’une jeune fille pour le jihad, et l’angoisse maternelle, les regrets, la culpabilité face à un héritage familial et historique qui semble parfois impossible à transmettre. Certains photomontages sont entremêlés de textes, tout aussi percutants, preuve contemporaine que la poésie visuelle et performée peut être politique, sans rien céder de sa force langagière et plastique. Le livre est complété d’un lumineux entretien avec Antoine Wauters, directeur de la collection.