Art Press

Zoé Valdés

Desirée Fe ou l’innocente pornograph­e

- Véronique Bergen

Arthaud, 368 p., 19,90 euros

Pour Zoé Valdés, l’écriture prolonge les rencontres des corps, se tient à la pointe du désir. Qu’il soit ardeur des sens, emportemen­t érotique ou élan mystique, le désir est l’expression d’une soif de liberté. Revenant sur les lieux de son enfance, l’auteure place Desirée Fe sous le signe d’un roman d’apprentiss­age où la découverte de la sexualité tient lieu de boussole dans l’existence. Cuba vit à l’heure du communisme. Après avoir connu les transports religieux, le corps de l’héroïne vibre aux chants du désir dans une ville, La Havane, où l’influence occidental­e est proscrite, où la musique rock, les artistes étrangers sont interdits. Initiation sexuelle sur fond de censure politique, ode aux vertiges du plaisir sur fond de mer, de plage, Desirée Fe exalte les forces érotiques vues comme puissances de vie, damant le pion aux puissances de mort. « C’est grâce à lui que j’ai éprouvé le désir vorace de caresser moi-même mon sexe, avec mes doigts ; à parti de cet instant-là, j’ai trouvé la vie plus légère. » La résistance au régime passe par la libération des corps et la revendicat­ion d’une sexualité libre, émancipée. Sur la jouissance, sur les ébats clandestin­s, le pouvoir n’a pas prise. Si les corps s’étreignent, les esprits sont mus par des rêves opposés. Rêve de quitter l’île, de gagner la liberté de l’Occident ou rêve de servir la cause révolution­naire communiste… Le premier amant de Désirée Fe, Román, embrasse l’idéologie castriste là où le deuxième, Otto, réussira à quitter Cuba. Emprisonné pour activités anti-communiste­s, le père de l’héroïne se voit libéré à condition de se réfugier avec sa famille à l’étranger. Une page est tournée, celle de l’adolescenc­e, de Cuba. Sur la mémoire de l’exil, de l’avant, de l’enfance perdue, Zoé Valdés bâtit un chant sensuel.

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