David LaChapelle Galerie Daniel Templon / 3 novembre - 29 décembre 2018
David LaChapelle Galerie Daniel Templon / 3 novembre - 29 décembre 2018
Letter to the World, exposition pensée spécifiquement pour la galerie Daniel Templon rue du Grenier SaintLazare, présente, comme un voyage de l’enfer hédoniste au paradis profane, des oeuvres anciennes de David LaChapelle et une trentaine d’images inédites. Les deux étages proposent ainsi un parcours d’un univers à l’autre, de la catastrophe à l’enchantement, du consumérisme effréné à la spiritualité. Au sous-sol, des photographies iconiques puisent dans des situations surréelles la matière de riches fables sociopolitiques. En atteste le célèbre Death by Hamburger (2001), qui impose une distance tout à la fois ludique et critique face à la société de consommation. Çà et là, les modèles, excessifs, teintés des couleurs du plastique, révèlent une humanité aliénée à ses objets. À ce malaise civilisationnel répond, à l’étage, une innocence retrouvée: forme inédite de narration, dimension parallèle, magique, utopique, brouillant les frontières entre réalisme, onirisme et sacré. En chaman, avec ce sens du drame qui le caractérise, LaChapelle livre les secrets de cet univers surnaturel, laissant affleurer des rémanences de la peinture du passé : Michel-Ange ou Léonard de Vinci, notamment. Sacralisés, auréolés, nacrés de bleu, de parme, de rose, les corps y sont les idoles païennes d’un ciel renversé, les figures ambivalentes d’un autre territoire du mythe ; électrisantes par leurs éclairages, la saturation de leurs couleurs ; spectaculaires par leur surenchère poético-narrative. La série dépasse le confluent, a priori paradoxal, du baroque, du néoclassique, du glamour et du pop, imposant des contraintes chromatiques à ses sujets, amplifiant des procédés picturaux et théâtraux. Portés par une scénographie sensible et rythmée, ces imaginaires invitent à la polyphonie. LaChapelle leur prête, avec brio, sa rhétorique iconoclaste. Au primitif se mêle une cartographie du contemporain, lui aussi façonné par le mythe, qu’il s’empare de codes anthropologiques séculaires ou qu’il en crée de modernes. D’un bout à l’autre de l’exposition, sa démarche instaure un rapport ni tout à fait mimétique, ni tout à fait ironique avec son référent, rapport ou- vert, par conséquent, à de vastes fonctionnalités symboliques. On voit également quelques-unes des premières photographies de LaChapelle, datées de 1983 à 1989, réalisées en processus analogique avec peinture sur négatif, dévoilant une autre facette de l’artiste : une découverte. Letter to the World pose avec justesse la question des imageries et des dispositifs que met en place l’art contemporain. Espace rêvé associant l’art et la vie, telle pourrait être la dialectique de ce parcours où s’éprouve, avant toute chose, l’élan dialogique. Et là se trouve la force de l’exposition, ce qu’elle a de séduisante dans l’équilibre de ses motifs et ses jeux de miroir, tandis que s’élèvent, de telle vanité ou de telle madone sauvage, les murmures de l’histoire.
Paloma Blanchet-Hidalgo ——— Letter to the World, an exhibition specially designed for Galerie Daniel Templon on Rue du Grenier Saint-Lazare presents a selection of David LaChapelle’s older works and some thirty images never shown before. These take visitors on a journey of sorts from a hedonistic hell to a profane paradise. The gallery’s two floors jump from one universe to the other, from catastrophe to wonder, and from frenzied consumerism to spirituality. In the basement, iconic photographs take their inspiration from surreal situations in order to create rich socio-political fables. This can be seen in Death by Hamburger (2001) which establishes both a critical and playful distance from consumer society. Here and there, models, excessive, in vivid colours, reveal a humanity that has become alienated from the objects. To this civilizational malaise responds a rediscovered innocence on the gallery’s first floor: here we find an unprecedented form of narration, a parallel, magical, utopian dimension that blurs the borders between realism, dreams and the sacred. With the quintessential drama of a shaman, LaChapelle delivers the secrets of this supernatural universe, allowing remnants of historical painting to appear: Michelangelo and Leonardo da Vinci, in particular. Sacred, haloed, radiant in shimmering hues of blue, violet and pink, the bodies here are the pagan idols of an inverted heaven, the ambivalent figures of another territory of myth; electrifying by their lighting, the saturation of the colours; and spectacular by the density of their poetic- narrative. This series goes beyond the confluence, a priori paradoxical, of baroque, neoclassical, fashion and pop, imposing chromatic constraints on its subjects, amplifying pictorial and theatrical processes. Carried by a sensitive and cadenced scenography, these imaginaries lead to a kind of polyphony. LaChapelle brilliantly lends them his characteristic iconoclastic rhetoric. The primitive merges with a cartography of the contemporary, shaped by myth, appropriating ancient anthropological secular codes, but also creating new ones. From one end of the exhibition to the other, this approach establishes a relationship that is neither completely mimetic nor fully ironic with regard to its referent, but is instead an open relationship with vast symbolic functionalities. Visitors can also discover some of LaChapelle’s, first photographs dating from 1983 to 1989, created by means of an analogue process where he painted on the negatives, revealing another facet of the artist. Letter to the World rightfully raises the question of the imagery and approaches implemented by contemporary art. A dream-like space associating art and life, this could be the dialectic of this journey where, above all else, the dialogical impulse is felt. And herein lies the strength of the exhibition, attractive in the balancing of its motifs and its mirror games, while elevating, via a particular vanitas or wild Madonna, the whispers of history.
Translation: Emma Lingwood