Révélations Emerige 2018 - 5e édition Villa Emerige / 7 novembre - 2 décembre 2018
Révélations Emerige 2018 - 5e édition
Villa Emerige / 7 novembre - 2 décembre 2018
Les onze jeunes artistes, lauréats de la Bourse Révélations Emerige 2018 – créée il y a cinq ans par Laurent Dumas, président du groupe éponyme – réunissaient un ensemble de qualités communes procédant du désir du jury de « chercher des pratiques singulières, puissantes, libres », selon la formule de Gaël Charbau, commissaire de leur exposition. À une ou deux exceptions près, matière et couleur y étaient les vecteurs récurrents d’une production qui en appelait principalement à la peinture, au dessin et au volume, la vidéo n’étant représentée que par une seule artiste et la photographie étant totalement absente. Est-ce là le signe d’une génération qui semble plus volontiers préoccupée d’incarnation, sinon de rapport au corps, que de problématiques conceptuelles ou formalistes ? D’une génération ou d’une époque d’ailleurs, si l’on considère le travail de Paul Mignard, 29 ans, sur lequel le jury s’est accordé. De fait, ses oeuvres subtilement colorées, faites de pigments et de paillettes sur tissu, déclinent tout un monde de figures et de paysages, entre symbolisme et onirisme. À l’instar de ses prédécesseurs, l’heureux élu va donc bénéficier d’une exposition personnelle chez Jérôme Poggi, selon la règle de partenariat avec une galerie, instituée depuis le début par Révélations Emerige. La dizaine d’artistes restante n’est pas moins intéressante que le vainqueur. C’est dire si le cru 2018 est de qualité. Tout particulièrement les vidéos engagées de Randa Maroufi dont les propos sociétaux, entre fiction et documentaire, ne manquent pas de nous interpeller, tout autant que sa façon de cadrer et de filmer, impliquant le regardeur à l’oeuvre. Il en va de même des grandes images palimpsestes de Tereza Lochmann qui mêlent dessin et estampe pour composer toutes sortes de scènes mémorielles à l’image duelle d’une humanité/animalité souvent inquiétante. Il en est encore ainsi du travail de Jean-Baptiste Janisset, dont les moulages remixés d’objets cultuels et patrimoniaux sont chargés d’histoires. Il en est enfin des peintures d’Héloïse Chassepot, d’apparence abstraites mais constituées de références fragmentées, qu’elle distri- bue en surface et dans l’espace en vue de former comme un écosystème secret et sensible. Intitulée Outside Our, l’exposition des Révélations Emerige 2018 cherchait plus particulièrement, selon Gaël Charbau, « à marquer ce déplacement nécessaire de nos zones de confort vers une zone d’incertitude, c’est-à-dire l’endroit où l’art a raison, en dehors de nos présupposés ». Pari gagné grâce aussi aux troublantes oeuvres graphiques d’Arnaud D.W, aux assemblages translucides et richement colorés de peaux d’agneau d’Amandine Guruceaga, aux sculptures fantastiques de Matthieu Haberard, à la mise en scène mortifère d’Hugo L’ahelec, à l’installation ludique de Léonard Martin, enfin à ces sortes de combine paintings ironiques et vivifiantes d’Angélique Heidler. Somme toute, un heureux et prospectif panel de la jeune création artistique contemporaine.
Philippe Piguet ——— The shared qualities brought together in the eleven young artists selected for the Révélations Emerige 2018 prize—created five years ago by Laurent Dumas, president of the eponymous group— reflected the jury’s desire to ‘seek singular, powerful, liberated practices’, according to Gaël Charbau, curator of their exhibition. Material and colour, with one or two exceptions, were the recurring vehicles of production that could, for the most part, be called painting, drawing and volume, with only one artist representing video and photography being completely absent. Is this a sign of a generation more concerned with embodiment—or at least things related to the body—than with conceptual or formalist issues? From a generation or from an era for that matter, if we consider the work of Paul Mignard, twenty-nine years old, on which the jury was unanimous. His subtly coloured works, made of pigments and sequins on fabric, depict an entire world of figures and landscapes, between symbolism and dreams. Like his predecessors, the lucky winner will be given a solo exhibition at Jérôme Poggi, in accordance with the rule regarding partnership with a gallery, established since the start of Révélations Emerige. The other ten artists are no less interesting than the laureate, proof of the 2018 vintage’s high quality. In particular the videos of Randa Maroufi whose socially engaged statements—between fiction and documentary—challenge us, just as the way they are framed and filmed, involves the viewer in the work. The same is true of Tereza Lochmann’s large palimpsest images, combining drawing and engraving to create all kinds of scenes of memory in an often disturbing dual humanity/animality image. It is also the case with the work of Jean-Baptiste Janisset, whose remixed casts of cultural and heritage objects are filled with histories. Finally, there are Éloïse Chassepot’s paintings, abstract in appearance but composed of fragmented references that she spreads on the surface and in the space to form a secret, fragile ecosystem. Titled Outside Our, the 2018 Révélations Emerige exhibition particularly sought ‘to mark the necessary shift from our comfort zones to a zone of uncertainty, that is, the place where art is correct, outside our preconceptions’. This challenge has been met also thanks to Arnaud D. W.’s disturbing graphic works; the translucent, richly coloured assemblages of lambskins by Amandin Guruceaca; Matthieu Haberard’s fantastic sculptures; from the lethal mise en scène of Hugo L’ahelec to Leonard Martin’s playful installation; and finally to Angélique Heidler’s ironic and vivid combine-type paintings. In all, a happy and future-oriented selection of young contemporary artistic creation.
Translation: Bronwyn Mahoney