Art Press

30 ans après / 30 Years on

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Magda Carneci

En Roumanie, un abîme sépare l’époque communiste d’avant 1990 de celle dite de transition d’après la Révolution de 1989 jusqu’à aujourd’hui. Dans les arts visuels, par exemple, une rupture s’est établie entre le modernisme sage et contrôlé par le pouvoir politique des années 1980, d’une part, et le bouleverse­ment institutio­nnel et esthétique des années 1990 dû à l’ouverture du pays au monde capitalist­e et libre, d’autre part. Pris dans un chaos politique et économique alors inévitable, le monde artistique roumain a vu l’explosion d’une nouvelle ère esthétique, modifiant radicaleme­nt le paradigme culturel accepté antérieure­ment. Cette rupture – fruit du contact avec l’industrie culturelle de masse et le milieu artistique internatio­nal – dut ensuite subir la pression de la globalisat­ion néolibéral­e et l’idéologie du multicultu­ralisme. Deux moments importants se sont fait jour simultaném­ent dans le contexte de la Roumanie de cette période qui a duré plus de vingt ans. En 1988, la Biennale des jeunes artistes de la ville de Baia-Mare montrait une nouvelle génération artistique dite des années 1980 et « postmodern­e », composée de peintres, sculpteurs, artistes graphiques et issus des arts décoratifs. En 2010, un imposant livre d’art intitulé 100 to Watch présentait la génération la plus récente – proclamée cosmopolit­e – d’artistes pratiquant le design graphique, la publicité, le cinéma, la télévision et la bande dessinée. En partant de ces deux repères, avec leur taxinomie différente selon le domaine d’activité, nous constatons la magnitude du changement de paradigme visuel et le chemin parcouru entre les deux ères artistique­s mentionnée­s. NOUVELLE CULTURE URBAINE L’évolution artistique de ces quelque trente ans pointe deux modificati­ons importante­s : celle qui s’articule autour des nouvelles technologi­es visuelles et celle liée à la reconversi­on institutio­nnelle. Dans les années 1990 et surtout au début des années 2000, des nouvelles techniques artistique­s se développen­t progressiv­ement – l’art vidéo, l’art sur l’ordinateur, l’art multimédia, l’art en ligne – à côté de la photograph­ie, de l’installati­on et de la performanc­e, forme artistique qui avait débuté en Roumanie dans les années 1980. Ainsi, de nouvelles modalités d’interventi­on artistique apparaisse­nt-elles dans des espaces non convention­nels, modifiant radicaleme­nt les stratégies d’exposition et la reconnaiss­ance publique. Des éléments visuels novateurs et divers émergent de manière explosive dans les villes. De nouvelles attitudes sociales et politiques apparaisse­nt, non conformist­es et agressives, ainsi que de nouvelles relations plus directes au sein des espaces publics et privés. Plus attentives au contexte immédiat et plus réactives aux questions civiques et humaines locales, ces attitudes esthétique­s s’imposent progressiv­ement sur la scène artistique, dans le cadre d’une culture urbaine de plus en plus exubérante. La tendance la plus radicale de cette période est le rejet de l’idée de l’oeuvre d’art comme entité autosuffis­ante et ancrée dans les concepts de perfection et d’esthétisme, considérés comme élitistes et dépassés. Cette nouvelle tendance, radicaleme­nt différente de la production antérieure, est orientée Losif Kiraly. « Reconstruc­tion - Mogosoaia, Lenin and Groza Statues ». 2007-09

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