VEVEY
Musée Jenisch / 2 novembre 2018 - 24 février 2019
Dessin politique, dessin poétique
Musée Jenisch / 2 novembre 2018 - 24 février 2019
Frédéric Pajak, commissaire de l’exposition, confronte des oeuvres graphiques de toutes époques, radicales dans leur révolte ou leur attention contemplative au monde. Ce dernier domaine est en particulier illustré par des paysages à la limite de l’abstraction, parmi lesquels les signes graphiques minimalistes du jeune Adrien Neveu témoignent de la puissance d’évocation de la notation graphique lorsqu’elle s’affronte au silence de la nature. Mais l’exposition n’est jamais plus efficace que lorsque politique et poétique s’entremêlent, de façon parfois inattendue, tels les griffonnages d’Alberto Giacometti sur des couvertures de magazines d’actualité ; ou chez ces féroces dessinateurs de presse qui déplacent un instant leur plume ou leur fusain pour saisir la Jungfrau (Félix Vallotton), un champ labouré (Martial Leiter) ou une ferme dans la campagne irlandaise (Tomi Ungerer). Lorsque Anne Gorouben représente à la mine de plomb des mendiants dormant dans les rues, la distance esthétique du flou imite celle qui nous sépare de ces humains destitués. Chez le méconnu graveur zurichois Fritz Buchser, la sèche précision du trait, les géométries et les ombres accusées suggèrent la contrainte exercée par l’urbanisation sur l’espace et sur les corps des travailleurs. Tout comme dans les Désastres de la guerre de Goya ou les suggestions sibyllines de Mix & Remix, Gorouben et Buchser démontrent l’efficacité que la beauté confère au propos politique vernaculaire du dessin.
Laurent Perez ——— Frédéric Pajak, curator of the exhibition, compares and contrasts graphic works from all periods, radical in their revolt or their contemplative attention to the world. This last domain is particularly illustrated by landscapes bordering on abstraction, among which the minimalist graphic signs of the young Adrien Neveu testify to the evocative power of graphic notation when it clashes with the silence of nature. But the exhibition is never more effective than when the political and poetic intertwine, sometimes unexpectedly, such as in the scribbles of Alberto Giacometti on covers of news magazines; or with fierce press cartoonists who for a moment move their pen or charcoal to capture the Jungfrau mountain (Félix Vallotton), a ploughed field (Martial Leiter) or a farm in the Irish countryside (Tomi Ungerer). When Anne Gorouben portrays beggars sleeping in the streets, the aesthetic distance of the blur mimics the one separating us from these destitute humans. With the little-known Zurich printmaker Fritz Buchser, the dry precision of the line, the geometries and the shadows depicted suggest the constraint exerted by urbanization on space and workers’ bodies. Just as in Goya’s Disasters of War and Mix & Remix’s sibylline suggestions, Gorouben and Buchser demonstrate the effectiveness that beauty confers on the vernacular politics of drawing.
Translation: Chloé Baker