BORDEAUX
Arc en rêve centre d’architecture / 22 novembre 2018 - 3 mars 2019
Bengal Stream
Arc en rêve centre d’architecture / 22 novembre 2018 - 3 mars 2019
Le Bangladesh est traversé par sept grands fleuves et plus de deux cents cours d’eau. Les populations établies dans les zones fluviales font régulièrement face aux inondations, cyclones et sécheresses. L’érosion des berges est l’un des principaux facteurs de paupérisation des familles rurales, en raison de la perte de terres agricoles productives. Menacé par la montée du niveau de la mer, le pays pourrait perdre 20 % de son territoire d’ici à 2050. Beaucoup de Bangladais n’ont souvent pas d’autre choix que la migration vers les zones urbaines, plus hautes. La capitale Dacca compte dix-huit millions d’habitants et son accroissement démographique n’est pas près de s’arrêter. La scène architecturale actuelle puise sa vitalité et sa cohérence dans une vive attention à cette situation. Elle est à la fois marquée par la figure de Muzharul Islam (1923-2012), médiateur entre tradition et modernité, « entre les courants de pensées sociétaux et architecturaux », et par une sensibilisation au local ouverte aux influences internationales. L’exposition Bengal Stream s’organise autour de maquettes, archives, documents graphiques, projections vidéo, films documentaires, photographies d’Iwan Baan, et présente une soixantaine de projets. D’un centre d’interprétation de la nature à la surélévation d’un village en bordure d’une rivière, d’un complexe touristique à une fabrique de tissage, tout en répertoriant aussi des résidences, maisons individuelles, reconstructions de bidonvilles, écoles et hôpitaux flottants, mosquées, musées, abris anticyclones, les commissaires Niklaus Graber, Andreas Ruby et Viviane Ehrensberger ont pour objectif de saisir toute l’énergie d’un bâti qui souhaite avant tout répondre aux alertes et conflits du présent, et ainsi reprendre la main sur la ligne incertaine du futur. Mais à quoi tient l’intérêt de cette architecture ? À une capacité d’accompagner et non pas de s’opposer. Accompagner, cela signifie travailler avec les fragilités de ce pays (montée des eaux, mouvements de population, saturation urbaine) et s’en servir comme des leviers de création et de solutions efficientes. L’enjeu, c’est un principe évident d’action qui, au contact des urgences, étend sa portée, accélère son rythme et enrichit son potentiel d’adaptabilité. Ce qui caractérise aussi cette architecture, c’est la souplesse de son jeu d’échanges compensateurs entre le dedans et le dehors, les conditions de vie et les aléas climatiques, la circulation de l’air et la diffusion de la lumière naturelle. Cette souplesse se retrouve aussi dans la coexistence de divers niveaux d’intervention. Les architectes passent souvent de projets participatifs peu coûteux, ou même financés grâce à leurs revenus personnels, à des commandes commerciales issues de la classe moyenne en forte croissance, ou de la riche clientèle des grandes villes. Bengal Stream est un panorama stimulant et optimiste des préoccupations architecturales au Bangladesh, où s’interpénètrent la rudesse d’un constat et la promesse d’un devenir.
Didier Arnaudet ——— Bangladesh is crossed by seven major rivers and more than two hundred waterways. Populations in river areas regularly face floods, cyclones and droughts. Shoreline erosion is one of the major impoverishing factors for rural families, due to loss of productive farmland. Threatened by rising sea levels, the country could lose 20% of its territory by 2050. Many Bangladeshis often have no choice but to migrate to higher urban areas. The capital Dacca has eighteen million inhabitants and its population growth is not about to stop. The current architectural scene draws its vitality and coherence from a keen attention to this situation. It is at the same time marked by the figure of Muzharul Islam (19232012), mediator between tradition and modernity, “between the currents of societal and architectural thoughts”, and by an awareness of the local open to international influences. The Bengal Stream exhibition is organized round models, archives, graphic documents, video projections, documentary films, photographs by Iwan Baan, and presents about sixty projects. From a nature interpretation centre to raising a village on the edge of a river, from a tourist resort to a weaving mill, while also listing residences, individual houses, slum reconstruction, schools and floating hospitals, mosques, museums, cyclone shelters. The curators Niklaus Graber, Andreas Ruby, and Viviane Ehrensberger aim to capture all the energy of building that wants above all to respond to the warnings and conflicts of the present, and thus regain control of the uncertain line of the future. But what is interesting about this architecture? A capacity to accompany and not to oppose.To accompany means to work with the fragilities of this country (rising water, population movements, urban saturation) and to use them as levers of creation and effective solutions. The challenge is a clear principle of action that, in emergencies, extends its reach, accelerates its pace and enhances its potential for adaptability. What also characterizes this architecture is the flexibility of its interplay of compensating exchanges between the inside and the outside, conditions of life and climatic contingencies, the circulation of air and the use of natural light.This flexibility is also reflected in the coexistence of various levels of intervention. Architects often move from low-cost or even selffinanced participatory projects to commercial orders from the fastgrowing middle class, and the wealthy clientele of big cities. Bengal Stream is a stimulating and optimistic panorama of architectural preoccupations in Bangladesh, where the harshness of a situation and the promise of a future are intertwined.
Translation: Chloé Baker