Art Press

Charles Pennequin

Gabineau-les-bobines P.O.L, 208 p., 18 euros

- Didier Arnaudet

Gabineau est l’ami de Gégène, « son ami d’enfance son ami de la guerre son ami des premiers chantiers d’Usinor ou d’on ne sait quoi », mais c’est Lulu, la femme de Gégène, qui en parle le mieux, même si elle ne l’a rencontré qu’une seule fois. Gabineau est une clé qui ouvre plusieurs portes, et derrière chacune de ces portes une histoire se dégoupille, éclate et répand ses personnage­s venus de cercles familiaux ou amicaux, affublés d’un surnom, qui sont autant de ricochets produisant d’autres histoires vidant tout le contenu de leur sac de paroles. Gabineau est un puzzle toujours en cours de complicati­on et sa reconstitu­tion est difficile car, dans la mémoire des uns et des autres, le vrai et le faux cohabitent avec gourmandis­e. Gabineau-les-bobines est donc un millefeuil­le compact où les paroles, afin de se préserver contre le risque d’effacement, ont pour objectif de participer à un empilement frénétique. Ce livre place le lecteur dans le rôle d’un détective, à qui il appartient de créer des liens et de combler des vides pour accumuler le maximum d’indices au fur et à mesure qu’il avance dans son enquête. Chez Charles Pennequin, cette recherche incertaine est avant tout et ouvertemen­t source de création. Aucun repère définitif n’est jamais posé. La tentation du flottement, du glissement est permanente. La profusion, l’exubérance et les effets de télescopag­e créent un ensemble mouvant de points de vue, de lectures qui se déploient au gré des contextes nouveaux fournis par chaque relance qui, à toute vitesse, s’enchaîne à la suivante. Cette ronde de « bobines » forcément bavardes ne peut alors se conclure que dans la « fournaise » pour « que tout soit enveloppé et ne fasse plus qu’un. Que tout soit rendu à nous-mêmes et que nous soyons l’épicentre de la cendre. »

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