François Chaslin
Rococo Non Standard, 520 p., 28 euros
François Chaslin signe une fable érudite et drôle, entre conte et pamphlet, un livre impertinent, soigné et poétique, illustré de ses dessins, sur l’« affaire » médiatique qu’a constituée la pseudo-révélation du « fascisme » du Corbusier, suite à la parution de son ouvrage Un Corbusier (2015). À l’heure de l’information malade, ce fut le scoop viral: des États-Unis à la Thaïlande, en 3 semaines, 141 journalistes titrent à ce sujet, sans, pour la plupart, lire le livre, mais en reprenant une dépêche AFP. Bien des intérêts sont dérangés, et l’emballement se solde, lors d’un colloque au Centre Pompidou, par une fausse mais très publique accusation de plagiat à l’encontre de Chaslin. Notre époque est pleine de malentendus. Elle est parfois un peu médiocre et en tout cas assez baroque. Dans Rococo, qui rapproche l’ornithologie et l’architecture en tant que sciences du nid, il y a des corbeaux, Clouzot, un geai, des étourneaux, des butors, un M. « Loiseleur », des traductions de l’allemand ou du latin âprement discutées et Léo Ferré qui chante «T’es rock, coco ». On dérive de Paludes (la sotie de Gide) à Prélude (la revue issue du Faisceau où oeuvra Le Corbusier). On passe d’un petit monde universitaire et muséal de pigeons voyageurs façon David Lodge au vaste monde des piaillements et cris d’orfraie sur Twitter (avec une mise au point sur la chouette effraie). Outre les jeux de langage un peu à la Raymond Hains, il est question de la propagation de l’information et de l’idée de plagiat aujourd’hui, à laquelle Chaslin, rendant la politesse si on peut dire, consacre de belles pages. En un temps où le copier-coller est presque devenu un mode de pensée, où la conviction par ouï-dire et la fausse nouvelle mettent la culture en miettes, il nous emmène en voyage dans sa bibliothèque. On y est bien, comme au grand air.
Cécile Bargues