Ha Jin
L’Écrivain comme migrant
Circé, 120 p., 15 euros De son vrai nom Jin Xuefei, Ha Jin est un écrivain américain d’origine chinoise, qui s’est fixé avec sa femme et son fils aux États-Unis en 1989, à la suite des événements de la place Tian’anmen à Pékin. Auteur de nombreux romans, Ha Jin se livre, dans ce court essai, à une réflexion sur le lien entre l’expérience de la migration et le phénomène de création littéraire, nourrie par sa propre épreuve de l’exil. Évoquant plusieurs figures marquantes de la littérature moderne, particulièrement Joseph Conrad, Vladimir Nabokov, Alexandre Soljenitsyne ou encore V. S. Naipaul, Ha Jin fait ressortir la place centrale qu’occupe l’exil dans leurs vies et leurs oeuvres, puisqu’ils en ont fait une condition d’accomplissement: ce qui aurait pu causer leur perte, à travers l’abandon, la solitude et parfois l’impossibilité d’écrire dans la langue maternelle, s’est révélé être un élément essentiel à leur créativité. S’il ne fait pas de l’exil un point décisif pour définir la littérature, Ha Jin montre néanmoins qu’à l’éloignement géographique de l’exilé vis-à-vis de son pays de départ, correspond chez l’écrivain une nécessaire distanciation par rapport aux normes instituées qui caractérisent sa communauté d’origine : c’est parce qu’il est capable de faire entendre une voix neuve, qui bouleverse la langue commune, invente d’autres mondes et configure des formes de vie différentes qu’un écrivain peut créer des oeuvres à vocation universelle. La littérature invite par conséquent à rompre avec le fantasme de l’origine par la considération que l’existence est une aventure sans retour possible. Et s’il existe un pays natal, il doit constituer davantage un point d’arrivée qu’une perspective de repli : le pays natal se trouve partout où le migrant parvient à créer son « chez-soi », de même que l’écrivain emporte toujours avec lui sa langue maternelle.