Rémy Campos
Debussy à la plage
Gallimard, 224 p., 35 euros À partir d’une image, une photographie de Claude Debussy prise au mois d’août 1911 dans la station balnéaire d’Houlgate, Rémy Campos entreprend une enquête sur des lieux « inlassablement interrogés afin de saisir ce que les personnes y font et en font ». Pour mener à bien cette enquête, l’auteur emprunte aux fouilles archéologiques telles qu’elles se développèrent à l’époque où cette photo fut réalisée. Le pari est ambitieux, il pose qu’en scrutant les surfaces, en portant attention aux détails dans les coins comme à l’arrière-plan des images, en s’attachant aux objets et aux corps qui les peuplent, aux actes et aux actions qu’ils portent, il est possible d’exhumer un monde en le recomposant. La double lecture qui s’attache à cet ouvrage participe de la joie qu’il procure. Tout d’abord sur un plan épistémologique, dans l’avancée d’une méthode qui saisit ses objets par de méticuleuses descriptions et de précis recadrages dans les images, étend son terrain d’un morceau de plage à un autre qui le jouxte, passe d’une image de Debussy à celle de sa femme puis de sa fille pour finalement recouvrir le territoire d’une ville et de ses acteurs. Tout, ici, oppose l’opération de préhension opérée par la description dans les images (une « prise de vue », littéralement) au point de vue interprétatif propre aux sciences humaines… Ensuite, dans le dialogue instruit par la perspective archéologique entre les cartes postales, photographies d’amateurs ou de professionnels et des documents d’époque (extraits de journaux, de romans, de correspondances, documents administratifs ou traités d’élégance), dans des écarts entre les textes et les images, les règles et les usages, qui rendent un compositeur, sa famille, une société, à la réalité de leurs comportements, de leurs activités et de leurs corps.