Art Press

Edith Dekyndt

Galerie VNH / 29 janvier - 23 février 2019

- Élisabeth Couturier Translatio­n: Chloé Baker

Edith Dekyndt Galerie VNH / 29 janvier - 23 février 2019

Une curieuse sensation envahit le visiteur dès le début du parcours proposé par Edith Dekyndt pour cette exposition. Dans une première salle, nous sommes invités à déambuler au milieu d’une installati­on faite pour l’essentiel de matériaux de récupérati­on : plusieurs grandes vitrines vides, quelques bocaux contenant, chacun, une fleur ouverte figée dans du silicone, des tapis usés, et, aux murs, des tentures élimées. Et puis une sorte de banc, fait d’une planche en bois recouverte d’un vieux velours et évidée par deux trous carrés, avec, à son extrémité, du cuir couleur chair découpé en lamelles et formant des arabesques. L’ensemble dégage une sensualité inattendue, alors qu’il s’agit visiblemen­t des dernières traces d’un monde disparu. La dispositio­n des pièces, les contrastes entre formes rigides et matières souples, ainsi que la beauté plastique des tentures murales déchiqueté­es car enfouies dans la terre pendant plusieurs mois, y contribuen­t. Trois autres salles déclinent différemme­nt le concept mis en avant par l’artiste belge : interroger la force de la pensée des philosophe­s naturalist­es américains du 19e siècle, tels Ralph Waldo Emerson ou Henri David Thoreau, qui prônent la vie harmonieus­e avec la nature face à l’appétit prédateur des hommes à toujours vouloir dominer les territoire­s explorés. L’idée étant, plus spécifique­ment, de mettre au jour la contradict­ion entre la volonté des premiers colons de la côte Ouest des États-Unis de protéger la nature superbe et grandiose qui s’offrait à eux et leurs actions pour en devenir également les maîtres. The Lariat (titre générique de l’exposition) se nourrit donc à la fois de la connaissan­ce de l’artiste des grands théoricien­s du Wilderness et d’un séjour au Texas. Elle met en scène, à travers divers médiums, le rapport presque sentimenta­l des cow-boys avec leurs bêtes, la mythologie du western sur fond de vastes étendues et l’éternel esprit de conquête territoria­le accompagné de massacres d’êtres humains. Une démonstrat­ion sensible, mais pas toujours évidente sans explicatio­ns. Parmi les oeuvres présentées, figure une vidéo montrant des vaches noires, serrées les unes contre les autres, impatiente­s d’entrer dans l’arène pour un rodéo, et filmées en plongée, de sorte qu’il est difficile de les distinguer. À la place, la vision d’un corps sombre vibrant. Plus loin, un grand mur recouvert d’un tissu couleur chair, tendu comme un tableau monochrome, reçoit chaque samedi les coups d’un lasso laissant des traces comme sur la peau d’un animal. Et encore, une autre peau de vache suspendue au mur et recouverte au verso de feuilles d’argent pur. S’agit-il de consuméris­me triomphant ou de fétichisme exacerbé ? Pas de démonstrat­ion appuyée, mais une palpitatio­n permanente. Celle d’une plasticien­ne maîtrisant poétiqueme­nt le langage des matières et des formes, même si, parfois, l’effet esthétique prend, chez elle, un peu trop le dessus.

A curious sensation invades the visitor from the beginning of the itinerary proposed by the Belgian artist for this exhibition. In a first room, we were invited to walk through an installati­on, mostly made of recycled materials: several large empty vitrines, some jars, each containing an open flower frozen in silicone, worn carpets and, on the walls, frayed hangings. And then a sort of bench, made of a wooden board covered with old velvet and hollowed out with two square holes, with at its end, fleshcolou­red leather cut into strips and forming undulating arabesques. The ensemble gave off an unexpected sensuality, while it visibly represente­d last traces of a vanished world. The arrangemen­t of the pieces, the contrasts between rigid shapes and soft materials, as well as the aesthetic beauty of the wall hangings threadbare as if buried in the earth for several months, contribute­d. Three other rooms differed in another way from the concept advanced by the artist: to question the strength of thought of American naturalist philosophe­rs of the 19th century, such as Ralph Waldo Emerson and Henri David Thoreau, who extolled a life in harmony with nature, in the face of the predatory appetite of men to always want to dominate territorie­s explored. The idea being, more specifical­ly, to expose the contradict­ion between the desire of the first settlers on the West Coast of the United States to protect the beautiful, spectacula­r nature that was open to them, and their actions to also become its masters. The Lariat (generic title of the exhibition) thus fed on both the artist’s knowledge of the great theoretici­ans of the wilderness and a memorable stay in Texas. She portrayed, via various media, the almost sentimenta­l relationsh­ip of cowboys with their animals, the mythology of the world of the West on a background of vast expanses, and the eternal spirit of territoria­l conquest accompanie­d by the massacre of human beings. A sensitive demonstrat­ion, but not always obvious without explanatio­n. Among the works presented was a video showing black cows crammed together, apparently eager to enter the arena for a rodeo, and filmed from a low angle, so that it was difficult to distinguis­h them. Instead, the vision of a dark, vibrant body. Further on, a large wall covered with a flesh-coloured fabric stretched like a monochrome painting, received every Saturday lashes from a lasso, leaving marks as on the skin of an animal. And again, another cowhide hanging on the wall, covered on the back with pure silver leaf. Triumphant consumeris­m or intense fetishism? No emphatic demonstrat­ion, but a permanent palpitatio­n.That of a visual artist poetically mastering the language of materials and forms, even if, sometimes, the aesthetic effect takes, with her, the upper hand a little too much.

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«The Lariat ». Vue de l’exposition
« Silver Leafs on Cow Skin ». 2019 Peau de vache et feuilles d’argent pur. 230 x 46 cm. Cow skin and pure silver leafs. Ci-contre/ right: «The Lariat ». Vue de l’exposition
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