VALENCIENNES
Trois peintres de Cologne : Andreas Keil, Michael Toenges, Peter Tollens
L’H du Siège / 11 mai - 22 juin 2019
L’H du Siège présente la première exposition en France d’Andreas Keil, Michael Toenges et Peter Tollens. Le travail de ces trois artistes allemands, âgés de quarante-neuf à soixantesept ans, a pourtant déjà été montré en Suisse, en Hollande, en Belgique, aux États-Unis et au Japon. Cette situation s’explique-t-elle par le particularisme hexagonal – ancien et complexe – qui regarde encore parfois la peinture comme un médium obsolète ? Plus encore que la peinture, c’est cet objet singulier qu’est le tableau qui suscite la suspicion et, malgré la diversité de leurs pratiques, c’est pourtant sur le tableau que se concentrent ces trois peintres. Michael Toenges peint à l’huile sur toile. Andreas Keil peint à l’huile sur des morceaux de bois de petites dimensions. Peter Tollens peint à l’huile sur toile, sur panneau, sur ardoise ou sur carton alvéolé. Ils ne produisent donc pas uniquement des tableaux, au sens strict d’une toile tendue sur châssis, mais ces différents agencements établissent une situation de type tableau, soit un objet autonome, un format quadrangulaire, une surface plane, un recouvrement, un emplacement mural. Le regard horizontal, à hauteur d’homme, que requiert cette situation est aussi celui que nous portons sur un paysage ou que nous échangeons avec une personne qui nous fait face. Que le paysage et le visage soient les deux catégories auxquelles Keil, Toenges et Tollens rapportent leur peinture n’est pas hasardeux. En dépit de (ou au moyen de) l’absence de représentation, et selon des modalités différentes, ces peintures manifestent toutes une oscillation entre le plus proche et le plus lointain. Toenges brasse un magma de couleurs, en empâtements exaspérés qui engloutissent parfois totalement le support. Keil, au contraire, travaille des surfaces lisses et précieuses qui contrastent avec la rusticité des blocs de bois sur lesquels elles sont appliquées. Tollens accumule les recouvrements pour produire des profondeurs plates nuancées, le plus souvent structurées par des touches verticales et horizontales que l’artiste relie à l’articulation cruciforme entre le paysage et la figure. Les questionnements reviennent aux fondamentaux de la peinture : recouvrir quel support? Avec quelle matérialité? Quel geste ? Quelles couleurs ? La couleur constitue l’enjeu essentiel (au sens où elle en constituerait l’ontologie) de la peinture des trois artistes. Indissociable de la matière, elle est translucide ou opaque, fine ou épaisse, irradiante ou jouant de subtilités obscures. Elle est délestée de la représentation comme de toute codification symbolique, théorique ou psychologique, et se livre à l’expérience sensible sans prétention édifiante vis-à-vis du regardeur. En cela, la couleur n’est pas réduite à une utilité ou à une convention, mais s’éprouve dans la subtilité de son apparition, changeante d’un tableau à un autre, d’une lumière à une autre. Dans le texte de la plaquette, Romain Mathieu inscrit cette approche dans l’héritage du Monet des Nymphéas, du De Kooning des Women et d’Eugène Leroy, filiation dans laquelle on retrouve la hantise de la figure et du paysage, au sein d’un avènement coloré.
Karim Ghaddab ——— Gallery L’H du Siège is presenting the first exhibition in France of Andreas Keil, MichaelToenges and Peter Tollens. The work of these three German artists, aged between 49 and 67, has already been shown in Switzerland, Holland, Belgium, the United States and Japan. This situation is explained by the French sense of distinctive regional identity – old and complex – which perhaps still sometimes considers painting as an obsolete medium. Even more than painting, it is the singular object that is the picture that arouses suspicion and, despite the diversity of their practices, it is nevertheless on painting that these three painters concentrate. Michael Toenges paints in oil on canvas. Andreas Keil paints in oil on small pieces of wood. Peter Tollens paints in oil on canvas, panel, slate and cardboard. They therefore don’t only produce paintings, in the strict sense of a canvas stretched on a frame, but these different arrangements establish a situation similar to that of painting, an autonomous object, a quadrangular format, a flat surface, a cover, a space on a wall. The horizontal point of view, on a level with a person’s eyeline that this situation requires is the same point of view we adopt regarding a landscape or that we exchange with a person facing us. The fact that landscape and the face are the two categories to which Keil, Toenges and Tollens turn in their painting is not mere chance. In spite of (or by means of) the absence of representation, and in different ways, these paintings all show an oscillation between the nearest and the farthest. Toenges stirs a magma of colours in exacerbated impastos that sometimes totally engulf the support. Keil, on the other hand, works smooth, precious surfaces that contrast with the rustic character of the wooden blocks to which they are applied. Tollens accumulates overlays to produce nuanced flat depths, most often structured by vertical and horizontal strokes that the artist connects to the cruciform articulation between landscape and figure. The point in question comes back to the fundamentals of painting: to cover which support? With what materiality? What gesture? Which colours? Colour is the essential issue (in the sense that it constitutes the ontology) of the three artists’ painting. Inseparable from the material, it is translucent or opaque, thin or thick, radiating or playing with dark subtleties. It is relieved of representation as it is of any symbolic codification, theoretical or psychological, and gives itself to the sensory experience without claiming to edify the viewer. In this, colour isn’t reduced to a utility or a convention, but is experienced in the subtlety of its appearance, changing from one piece to another, from one light to another. In the text of the booklet, Romain Mathieu inscribes this approach in the legacy of Monet’s Water Lilies, De Kooning’s Women and Eugene Leroy, a filiation in which we find the awe-inspired obsession with the figure and landscape, within a colourful advent.