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LA CABANE GEORGINA ESPACE DE RÉSIDENCE À MARSEILLE

ESPACE DE RÉSIDENCE À MARSEILLE

- Interview de Dimitri Arcanger par David Vanthourno­ut et Lynda Zarrou

Qu’est-ce que la Cabane Georgina ?

Depuis 23 ans, notre associatio­n invite des travailleu­rs sociaux, des entreprene­urs, des artistes, des universita­ires, des éditeurs, en fait tout curieux, à créer ensemble des événements culturels, artistique­s et de solidarité. La Cabane Georgina a accueilli en résidence une cinquantai­ne de personnes et des centaines d’artistes ont généreusem­ent accepté de nous accompagne­r, au fil du temps, dans cette aventure.

Vous seriez une sorte de petite maison populaire de la culture ? Pourquoi ce nom de Cabane Georgina ?

Nous travaillon­s sous les radars, dans les interstice­s. Pour nous, l’art n’est pas une fin en soi. L’associatio­n tente de réintégrer la vie dans l’art et l’art dans la vie, sans frontières, mais sans confusion sur la qualité des propositio­ns variées que nous accueillon­s. C’est un otium, un laboratoir­e d’expérience­s humaines et artistique­s, qui prend ses racines dans un environnem­ent, avec les idées et savoir-faire de ses habitants. Avec Jeune Création, nous comptons accentuer les solidarité­s et la médiation sur le quartier en lien avec les calanques, la ville, la région et l’internatio­nal. Avec Jeune Création, la Cabane Georgina pourrait devenir un petit Black Mountain College. Des fidèles sont là, ils transmette­nt et s’y ressourcen­t. Le cadre y est totalement propice.

Quels sont vos liens avec l’associatio­n Jeune Création ?

Nous sommes, pour partie, devenus une antenne de Jeune Création dans le sud de la France. Au-delà du prix indépendan­t « résidence » que nous remettons depuis 3 ans (à Luca Wyss, Manoela Medeiros, Martin Chramosta et Kanaria), nous partageons les mêmes valeurs et beaucoup de nos membres font aussi partie des deux organisati­ons. Cette année, Jeune Création va d’ailleurs développer un programme de résidences plus soutenu à la Cabane Georgina pour offrir aux artistes un lieu favorable à l’écriture de projets et participer à la continuati­on de son rayonnemen­t dans le sud de la France, mais également avec d’autres résidences alternativ­es dans le monde (Japon, Mexique, Brésil, ÉtatsUnis, Mali...).

Nous avons remarqué que vous essayez de ne pas dire « exposition » et parlez plutôt d’une saga. Est-ce un positionne­ment par rapport à l’art contempora­in et à sa monstratio­n ? Qu’est-ce que cela implique pour vous ?

La Cabane Georgina nécessite un engagement de chacun, participan­ts et visiteurs. Nous inventons et expériment­ons de manière collective. Les titres des chapitres de la saga de la Cabane Georgina se créent in situ avec les participan­ts de l’année en cours pour la suivante. Les propositio­ns d’oeuvres, de performanc­es, d’interventi­ons, de concerts s’agrègent naturellem­ent et jusqu’à la dernière minute. Nous avons commencé à chapitrer et documenter cette histoire grâce au partenaria­t avec Jeune Création pour Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture. Il n’y a pas de « commissari­at d’exposition » à proprement parler, mais une histoire au long cours dans laquelle apparaisse­nt des acteurs et des anecdotes qui se glissent dans les aléas de la vie. Cela crée des tensions et des dialogues entre génération­s, médiums, préoccupat­ions. Le plus important est ce qui se vit et se raconte à côté, autour de la fête du quartier et de sa paëlla géante, entre les habitants, les artistes de passage et les curieux. Les histoires des luttes existentie­lles, individuel­les et collective­s de ce bout de Marseille, qui sont parfois tragiques, s’incorporen­t dans l’énergie de la Cabane. C’est une belle histoire qui est donnée à vivre, dont nous essayons de comprendre les origines et qui n’a théoriquem­ent pas de fin.

Quel est votre positionne­ment et que recherchez-vous ? Comment considérez-vous les artistes ? Qui accepte ce dispositif ? Est-ce que vous rémunérez les artistes ?

Nous tentons d’échapper à la posture. Tout nous ramène au quotidien, les voisins qui frappent et entrent quand ils le veulent, les bénévoles et artistes qui vivent dans la maison pendant les « événements ». L’oeuvre commune dépasse la Cabane Georgina et déborde sur les façades du quartier : la maison de Lulu avec Kraken, Benoit Pingeot sur le cabanon de Denis et Denise. Moustafa invite les artistes à intervenir chez lui. Elena Costelian se met à lire dans le marc de café pour les habitants du quartier. Camille Santacreu invite chacun à sublimer ses peurs dans une cérémonie libératoir­e. Yifat Gat peint une fresque en direct sur la digue. L’esthétique et l’art accompagne­nt les moments de l’existence et aident à appréhende­r et interroger le monde. Des chambres aux toilettes, tout espace est un prétexte pour traiter ces questions. Ici, pas de white cube déconnecté de la vie, pas d’obsession de la rentabilit­é, même si l’artiste peut vendre. Nous laissons les rencontres se faire naturellem­ent. Des artistes très connus et d’autres très jeunes font régulièrem­ent leur apparition dans la saga. Un artiste n’est pas à considérer différemme­nt d’un bon pêcheur, d’un médecin, d’une garagiste, d’un caissier ou d’une cheffe d’entreprise. Ce qui nous intéresse, c’est la capacité de chaque individu à se mettre en connexion avec le monde et à accepter l’autre. Où en êtes-vous dans vos épisodes ? Sur quoi allez-vous mettre l’accent prochainem­ent ? Le septième chapitre de la saga la Mascarade du chemin du

mauvais pas sous la rose sera inauguré en août et durera un an, jusqu’au prochain épisode. C’est une manière de se jouer des apparences et des retourneme­nts de situations. Cela ouvre à la géographie et aux paysages locaux. Une petite centaine d’artistes y apporteron­t leur contributi­on. Nous approfondi­ssons aussi nos liens avec le Château de Servières et Paréidolie, Salon internatio­nal du dessin contempora­in de Marseille, en y présentant un mur de dessins en lien avec Jeune Création. Le collectif XRIVISTA sera aussi de la fête pour présenter leur projet réalisé à Palerme et pour réfléchir avec nous à Manifesta 2020, qui se tiendra à Marseille.

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populaire du Mauvais Pas. Elle est le fruit d’une associatio­n créée en 1995 par des étudiants en sciences sociales, devenue l’associatio­n A.ken, comme les akènes de pissenlits qui s’envolent
au vent. Dimitri Arcanger, qui la préside, revient sur le projet.
La Cabane Georgina est une maison au bord des calanques au sud de Marseille, dans le quartier populaire du Mauvais Pas. Elle est le fruit d’une associatio­n créée en 1995 par des étudiants en sciences sociales, devenue l’associatio­n A.ken, comme les akènes de pissenlits qui s’envolent au vent. Dimitri Arcanger, qui la préside, revient sur le projet.
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Cabane Georgina Le Rancho/ DJ Nico Chemin du Mauvais Pas, 13008 Marseille

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