Anne-Christine Royère (dir.)
Michèle Métail. La poésie en trois dimensions Les Presses du réel, 448 p., 30 euros
Il était temps, sans doute, qu’un ouvrage conséquent consacré au travail poétique de Michèle Métail paraisse. Une récente et magnifique lecture à trois voix et en trois langues de 2888, création à partir d’un fragment de son poème infini Compléments de noms, au Centre Pompidou, a rappelé, si besoin était, la qualité, l’exigence et la singularité de son oeuvre. Métail, qui a reçu le prix Bernard-Heidsieck en 2018, a commencé dès le début des années 1970 un travail de poésie sonore. Le poème infini en est le fil conducteur comme le principe générateur qui, sous la forme d’une liste de compléments de noms, traverse paysages et univers de sens. Le poème est fait pour être lu et s’actualise sur des rouleaux ou d’autres formes plastiques. La poète déjoue ainsi les genres littéraires et artistiques par des formes poétiques « hors du livre » et par une attention particulière à la matérialité textuelle, graphique et acoustique du langage. Si son travail s’apparente aux questions problématisées par Umberto Eco dans l’OEuvre ouverte, c’est que, chez Michèle Métail, le langage n’est jamais fermé – ni dans le livre, ni dans une langue, ni dans une forme –, ni même achevé. Les déplacements de sens produits correspondent à ces propres déplacements physiques dans d’autres territoires et dans d’autres langues (notamment l’allemand et le chinois). C’est ce dont rend compte avec justesse la Poésie en trois dimensions. L’ouvrage rassemble poètes, artistes et universitaires qui, à travers entretiens, études théoriques (parfois alambiquées) ou témoignages, dressent le portrait étoilé du travail de Michèle Métail et en font apparaître la rigueur et la richesse. De nombreuses reproductions de ses travaux accompagnent les textes et en multiplient les échos.
Sally Bonn