Pierre Sky
Chant-contre-chant
Marest, 144 p., 9 euros
Le titre de cet essai est énigmatique quoique charmant et l’idée, inattendue, a un petit côté « oeuf de Colomb ». Un personnage de film met la radio, ou un disque ; mais, au lieu de tranquillement écouter la chanson, il la chante lui aussi, en même temps. Il accompagne un chant d’un autre chant, qui le redouble. L’auteur de ce petit livre, qui connaissait un peu la musique, savait que, dans le contrepoint, le « contre » ne marque pas l’opposition, mais la relation : une note émise en même temps qu’une autre et en rapport avec elle. Le titre « chant-contre-chant » ne parodie donc pas pour rien le nom d’une figure de montage classique. Il s’agit de nous convaincre que c’est aussi une figure, mais moins banale, plus marquée. Et peut-être moins une figure de grammaire ou de style que d’être, qui touche au plus profond de l’art du film puisqu’elle mobilise deux corps hétérogènes et les met en relation : l’un venu de la fiction, le personnage ; l’autre, du monde réel, la chanson. L’auteur en a trouvé des exemples dans des dizaines de films et séries populaires, mais ceux qui le passionnent sont pris chez Nanni Moretti, grand amateur de cette figure sonore et narrative, qu’il a souvent performée. On sent que le choix de ce cinéaste n’est pas dû à de simples considérations techniques ou théoriques, mais à une quasi-identification au « super-personnage » d’enfant mal grandi qu’il incarne de film en film : Pierre Sky a tant aimé Moretti qu’il a su repérer chez lui une figure filmique inédite. En peu de pages, on a donc, à la fois, la réflexion esthétique et la dérive poétique, le désir de penser et le désir de célébrer. C’est le charme de ce texte venu de nulle part, signé par un auteur au nom énigmatique, et qui nous dit quelque chose de neuf.