Marc Desgrandchamps
Galerie Lelong & Co / 5 septembre - 5 octobre 2019
Marc Desgrandchamps est le peintre des images labiles. De façon inattendue, le tableau qui le réaffirme explicitement dans cette exposition est celui dont le sujet est le plus massif : un tronc d’arbre occupe la plus grande partie de la surface, mais parce qu’il est dédoublé par son reflet dans une vitre. Cet ensemble d’oeuvres datées 2019 a une densité et communique une impression bien plus oppressante que les séries antérieures, qui hésitaient, disons, entre bienheureux suspens d’un après-midi d’été et vague souvenir d’un mauvais rêve. Ici, dans l’un des rares larges paysages, on aperçoit dans le lointain un volcan fumant et au premier plan de gros oiseaux noirs. C’est dire. Presque tous les autres tableaux sont des vues rapprochées, fermées, vides de présence humaine. La part de ciel bleu rétrécit, la végétation est sèche, comme artificielle, et, plus encore que dans la précédente exposition, des troncs et des branches noires barrent le passage et en partie la vue. La couleur est moins aquatique, plus minérale. Jadis, le peintre a beaucoup exploité les dégoulinures de couleurs très liquides. Aujourd’hui, par endroits, la couleur, nettement plus sèche, est plutôt peignée, griffée. On ne griffe qu’une surface qui résiste. Dans une interview, Marc Desgrandchamps déclarait qu’il se sentait « plutôt submergé par les choses que les surplombant (1). » Jamais cette sensation n’a été autant partagée avec le spectateur qui devant ces Jardins obscurs (titre de l’exposition), dont les plus grands formats sont 162 x 130 et 195 x 130 cm, se trouve comme dans un vivarium à échelle humaine. L’expérience est plus aride qu’auparavant, mais d’autant plus intéressante.
Catherine Millet
(1) Interview par Michael Peppiatt publiée dans le catalogue de l’exposition de Marc Desgrandchamps à la galerie Lelong en 2016.
——— Marc Desgrandchamps is the painter of labile images. Unexpectedly, the painting that explicitly reaffirms this in this exhibition is the one with the most solid subject: a tree trunk occupies most of the surface, but because it is split into two by its reflection in a window. This set of works dated 2019 has a density and communicates an impression much more oppressive than previous series, which hovered, let’s say, between blessed suspense of a summer afternoon and vague memory of a bad dream. Here, in one of the rare wide landscapes, one sees in the distance a smoking volcano and in the foreground large black birds. Which goes to show. Almost all other paintings are close-up, closed, empty of human presence. The part of blue sky is shrinking, vegetation is dry, as if artificial, and, even more than in the preceding exhibition, trunks and black branches block the way and partly the view. The colour is less aquatic, more mineral. Formerly, the painter has exploited the drippings of very liquid colours. Today, in places, the colour, much drier, is on the other hand combed, scratched. Only a surface that resists is scratched. In an interview Desgrandchamps said he felt “more overwhelmed by things than overlooking them” (1). Never before has this sensation been shared so much with the viewer who, in front of these dark gardens (the title of the exhibition, Jardins Obscurs), the largest sizes of which are 162 x 130 and 195 x 130 cm, is as if in a human-scale vivarium. The experience is more arid than before, but all the more interesting.
(1) Interview by Michael Peppiatt in the exhibition catalog in 2016.