Pierre Wat
Hans Hartung. La peinture pour mémoire
Hazan, 280 p., 99 euros La façon dont Pierre Wat entremêle la biographie de Hartung (1904-1989), le développement de l’oeuvre et la construction précoce du mythe de l’oeuvre (comment le peintre s’en sort avec la médiatisation débutante de l’art), est remarquable. C’est sans fioriture; la compréhension profonde de l’oeuvre, l’auteur nous la livre à travers une analyse formelle fouillée, une extrême précision dans la description des outils de Hartung (du pinceau chinois à la sulfateuse en passant par le hérisson de ramoneur et le balai de branches de genêts), comme des lieux où il travailla, ainsi que de nombreux témoignages et citations. Parfaite aussi, l’appréhension des problèmes que pose l’oeuvre, en particulier la pratique de la mise au carreau en pleine « abstraction lyrique ». En effet, les grands tableaux gestuels de la fin des années 1930 aux années 1950 sont issus d’études, puis de dessins à l’encre minutieusement reportés, agrandis, sur toile. Grand copiste pendant ses années de formation, Hartung se fait « copiste de lui-même ». Ce n’est pas un action painter, mais Wat donne à comprendre à quel point cette méthode reflète un esprit autant nourri de Mondrian que de Nolde et Kokoschka et libère l’esprit d’expérimentation, notamment dans un travail assez unique des fonds. Né à Dresde, ayant choisi par deux fois, en 1939 et en 1944, de combattre du côté français, Hartung perdit une jambe à la guerre. Contraint de travailler assis, il n’en peindra pas moins, dit Wat, en étant « mentalement, un homme debout », remodelant son espace de travail en fonction de ses grands formats et des possiblités du corps. L’atelier d’Antibes est un « protagoniste de l’oeuvre », écrit encore Pierre Wat, dont le très beau dernier chapitre emprunte son titre à Baudelaire : «Vaporisation du moi ».