Art Press

Pierre Wat

- Catherine Millet

Hans Hartung. La peinture pour mémoire

Hazan, 280 p., 99 euros La façon dont Pierre Wat entremêle la biographie de Hartung (1904-1989), le développem­ent de l’oeuvre et la constructi­on précoce du mythe de l’oeuvre (comment le peintre s’en sort avec la médiatisat­ion débutante de l’art), est remarquabl­e. C’est sans fioriture; la compréhens­ion profonde de l’oeuvre, l’auteur nous la livre à travers une analyse formelle fouillée, une extrême précision dans la descriptio­n des outils de Hartung (du pinceau chinois à la sulfateuse en passant par le hérisson de ramoneur et le balai de branches de genêts), comme des lieux où il travailla, ainsi que de nombreux témoignage­s et citations. Parfaite aussi, l’appréhensi­on des problèmes que pose l’oeuvre, en particulie­r la pratique de la mise au carreau en pleine « abstractio­n lyrique ». En effet, les grands tableaux gestuels de la fin des années 1930 aux années 1950 sont issus d’études, puis de dessins à l’encre minutieuse­ment reportés, agrandis, sur toile. Grand copiste pendant ses années de formation, Hartung se fait « copiste de lui-même ». Ce n’est pas un action painter, mais Wat donne à comprendre à quel point cette méthode reflète un esprit autant nourri de Mondrian que de Nolde et Kokoschka et libère l’esprit d’expériment­ation, notamment dans un travail assez unique des fonds. Né à Dresde, ayant choisi par deux fois, en 1939 et en 1944, de combattre du côté français, Hartung perdit une jambe à la guerre. Contraint de travailler assis, il n’en peindra pas moins, dit Wat, en étant « mentalemen­t, un homme debout », remodelant son espace de travail en fonction de ses grands formats et des possiblité­s du corps. L’atelier d’Antibes est un « protagonis­te de l’oeuvre », écrit encore Pierre Wat, dont le très beau dernier chapitre emprunte son titre à Baudelaire : «Vaporisati­on du moi ».

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