Patrick Tosani
Notes et entretiens
Beaux-Arts de Paris, 296 p., 20 euros
Au moment où s’achève au musée de l’Orangerie la très belle présentation de la série photographique des Cuillères de Patrick Tosani, mise en regard avec les Nymphéas de Monet, la publication de ces Notes et entretiens est plus que bienvenue pour approfondir le sens de la démarche d’un artiste réputé pour la fermeté de son positionnement. Plus intéressé par l’analyse du processus photographique que par la photographie elle-même, Tosani produit des images d’une grande densité que le spectateur (comme celui des Nymphéas) regarde avec les yeux, mais aussi avec le corps. Chacune de ses images est construite de manière précise par les moyens les plus objectifs de la photographie : précision, frontalité de la prise de vue, netteté, agrandissement. Au sein de cette photo descriptive, l’objet retenu est lui-même un outil d’analyse qui participe de façon active à la réflexion sur la pratique photographique. Séries des talons de chaussures, des ongles rongés, des têtes, des gâteaux, des portraits sur papier braille, des vêtements… Toutes questionnent le thème du transfert du réel, à savoir le passage « d’une donnée riche en n dimensions (incluant celle du temps) à un espace en deux dimensions, plat, frustrant ». Il faut entendre l’artiste évoquer les Cuillères (dont l’ovale capte, reçoit, renvoie la lumière) ou les Ongles (qui témoignent d’une « contrariété organique », à l’instar du cadrage qui « ronge » une surface), ou encore les Têtes (qui, prises du dessus, permettent de parler du regard distant de la photographie) pour comprendre combien ces objets sont choisis avec soin. On savait Tosani un photographe discret et réservé; il se montre ici intarissable sur la particularité d’un médium qui, impliquant un processus d’agrandissement, échappe nécessairement, selon lui, au domaine du livre.