A. Cabantous, F. Walter
Les Tentations de la chair. Virginité et chasteté
Payot, 416 p., 26 euros
(16e-21e siècle)
Que saurions-nous de la sexualité sans la littérature? Les élans du coeur masquent souvent les tentations de la chair, titre de l’essai consacré à la virginité et à la chasteté, deux vertus semble-t-il dépassées. Le mot vertu permet de ne pas confondre l’absence de sexualité et l’idéal qui la proscrit : une vertu n’est pas un état de fait mais un idéal qui guide une conduite. Difficile de distinguer ce qu’imposent les codes sociaux et la morale religieuse d’une exigence féminine d’exister en-dehors de la domination masculine, voire contre elle. Les auteurs, les historiens Alain Cabantous et François Walter, ne font pas une histoire de la sexualité à la Foucault : parler de sexualité est un anachronisme à leurs yeux. Virginité et chasteté ne se recoupent pas : on peut être vierge sans être chaste, on peut être chaste dans le mariage. Plus lectrices qu’auteures, les filles se tournent vers une littérature – Balzac, George Sand – qui s’élève contre une conspiration du silence. Comment évoquer ce qui ne fut ni dit ni écrit ? Depuis Louis Chevalier, la littérature documente les recherches des historiens. Des personnages de romans fournissent ici des types psychosociaux: oie blanche, demi-vierge (Marcel Prévost), ingénue libertine (Colette). Écrit par des hommes, les Tentations de la chair oppose aux tabous dont les filles font l’objet les modes de dépucelage autorisés aux garçons, et permet de faire réfléchir au présent en le faisant connaître dans sa complexité. De nos jours, une vierge peut mettre en vente (cher) son dépucelage sur Internet ; des hymens sont recousus tandis que l’anatomie dément leur présence. Les vierges consacrées catholiques ont connu un regain depuis 1970. Les asexuels se manifestent. Virginité et chasteté ont de beaux jours devant elles.
Claire Margat