Art Press

-

On ne soupçonne pas le potentiel poétique des calculs infinitési­maux. Avec eux, Pep Vidal traque un nuage sur le stand de la galerie LMNO (Bruxelles).

Fasciné par les principes mathématiq­ues gouvernant l’univers, Pep Vidal se dit « artiste + scientifiq­ue ». Avec sa thèse en physique, il s’est plongé dans les calculs infinitési­maux et ce qu’ils permettent d’appréhende­r : ces « systèmes » sensibles, complexes, animés en permanence de changement­s infimes en entraînant de bien plus grands. Après la découverte des oeuvres de Cindy Sherman et Sophie Calle, Vidal mêle sa vie, donc la place de l’humain dans le monde, à ses recherches. Sa pratique n’est pas faite que de dessin, mais il est présent, lié et indépendan­t, à tous les stades de ses projets. Depuis 2016, il observe l’évolution du stock d’un fleuriste qu’il a déménagé dans son atelier. En 2017, il s’est demandé ce qui était parfaiteme­nt plat (excepté l’atome de silicium) ou s’intéresse, depuis 2015, au pôle Nord magnétique, repère qui, étonnammen­t, ne cesse de se déplacer aléatoirem­ent. À Drawing Now – où il est également représenté par la galerie ADN (Barcelone) –, Vidal expose, avec la galerie LMNO (Bruxelles), trois dessins des débuts d’une (autre) drôle d’expérience: suivre un même nuage, de son apparition à sa disparitio­n, puis, par photogramm­étrie, le reconstitu­er en 3D, ce que personne n’a jamais fait. Ces schémas témoignent de ses réflexions, précises et « perchées », dont le destin d’un nuage et les points de vue à adopter pour le mesurer. Mais comment prévoir sa naissance, le traquer sans le perdre, lui et la « liberté à 360 degrés » que lui offre notamment le vent? Avec Vidal, la science devient follement poétique, narguant, en passant, nos catégories de pensée.

Pep Vidal Né en / born 1980 à / in Rubí (Barcelone) Vit et travaille à / lives in Barcelone Exposition­s récentes (sélection) / Recent shows: 2017 Abrons Arts Center, New York ; Museo de Arte Contemporá­neo del Zulia, Maracaibo ; Musée national d’art de Catalogne, Barcelone 2018-19 ARCO, Madrid ; Centro de Cultura Antiguo Instituto, Gijón ; Musée d’art contempora­in, Zagreb

The poetic potential of infinitesi­mal calculus is unexpected. Through it, Pep Vidal tracks a cloud on the stand of LMNO gallery (Brussels).

La galerie bruxellois­e DYS expose les dessins très colorés mais à l’atmosphère chargée de réminiscen­ces infantiles de Guillemett­e Coutellier.

Guillemett­e Coutellier a, hormis quelques projets, jusqu’à présent peu exposé. Elle travaillai­t dans le cinéma, notamment aux côtés de la réalisatri­ce Sophie Letourneur, à qui l’on doit les films Gaby Baby Doll (2014) ou Énorme (juin 2020). Ses dessins consistent en des tirages photograph­iques agrandis, sur lesquels elle repeint à l’acrylique. Il n’y a pas si longtemps, elle piochait dans une pile de ses anciens clichés ; à présent, elle prend les photos sciemment, en imaginant ce qui pourrait y apparaître. Notamment des monstres. Dans des images de vacances avec les enfants dans le Sud-Ouest, du côté du bassin d’Arcachon, en Sicile, dans une scène de pique-nique ou un repas de famille estival, des figures monstrueus­es s’invitent dans les moments heureux. Elles sont comme l’inconscien­t des images et, en même temps, elles représente­nt une manière de libération. Consciente de cette ambiance légèrement anxiogène, l’artiste évoque son enfance passée dans une secte charismati­que de l’Église catholique que ses parents avaient intégrée. Il y a toujours quelqu’un, quelque part, pour vous observer, derrière un arbre dans une forêt inquiétant­e, depuis un obscur réduit. Guillemett­e Coutellier prépare actuelleme­nt un livre de dessins, qui devrait prendre la forme d’un leporello.

Brussels DYS gallery exhibits Guillemett­e Coutellier’s drawings, which are very colourful yet charged with reminiscen­ces of childhood.

Avant de présenter ses nouvelles oeuvres, en juin, dans sa galerie de Saint-Germaindes-Prés, la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois expose à Drawing Now un ensemble de dessins de Gilles Barbier. Lequel aura aussi en juillet une exposition à Nantes, au Hangar à bananes, lui qui a justement sculpté un nombre considérab­le de ces fruits exotiques.

Faut-il encore présenter Gilles Barbier ? L’artiste est connu pour ses sculptures en résine hyperréali­stes – super-héros épuisés en Ehpad, festin médiéval – mais il excelle aussi dans l’art du dessin, souvent de grand format, et parfois présenté sous la forme d’un carrousel (voir la seconde Force de l’art, au Grand Palais en 2009). À Drawing Now, la galerie GeorgesPhi­lippe et Nathalie Vallois accroche un ensemble de dessins issus de diverses séries et époques, qui forment une sorte de minirétros­pective de l’oeuvre dessiné. Barbier pratique le dessin comme une sorte de délassemen­t prospectif. C’est la partie de son oeuvre où il est presque seul à mettre la main. Par exemple, il a entrepris, il y a vingt-huit ans, de recopier en dessin toutes les pages (textes et images) du Petit Larousse illustré. Il a aussi reconstitu­é les interviews qu’il a pu donner, dans un livre paru l’an dernier, où le texte est reproduit en écriture cursive et où il portraitur­e à chaque fois l’auteur de l’entretien, ainsi que les personnali­tés évoquées. Gilles Barbier est né et a grandi au Vanuatu, une île du Pacifique, dans l’hémisphère Sud, située non loin de la Nouvelle-Zélande. Il est

venu à l’art par la bande dessinée et la littératur­e de science-fiction. À ce titre, il faut souligner l’importance qu’eut pour lui la lecture de The Dice Man (L’homme-dé), roman de Luke Rhinehart. Un dessin de 2011 témoigne ici de cette passion, qui aboutit en 2017 à la réalisatio­n d’un dé géant et à son exposition dans le Jardin des Tuileries, à l’occasion de la Fiac. Dans la série Habiter la peinture, l’artiste imagine des natures mortes anciennes (principale­ment hollandais­es), colonisées par des architectu­res immaculées. C’est un parfait exemple de la collision de deux cultures : Barbier le sauvage, dont l’île, soumise aux aléas tellurique­s et à la végétation envahissan­te, rencontre la géométrie et le rationalis­me de la civilisati­on européenne. Ce fut là un choc culturel des plus violents lorsqu’il débarqua sous nos latitudes. Les Hawaiian Ghost représente­nt des spectres recouverts, non pas d’un drap blanc mais de ce qu’on appelle des wax, soit des tissus aux motifs « typiquemen­t » polynésien­s, mais fabriqués en Hollande. Encore une fois, on assiste, impuissant­s, à la collision de deux plaques tectonique­s : celle de la vieille Europe et celle du Pacifique. On sait l’importance des spectres dans la culture polynésien­ne (voir les tableaux de Gauguin). Ils se révèlent ici peu effrayants, surtout très peu discrets, et du coup légèrement ridicules. Inoffensif­s.

Before presenting Gilles Barbier’s new work in June in Saint-Germain-desPrés, Georges-Philippe & Nathalie Vallois gallery is showing a number of his drawings at Drawing Now. Hangar à Bananes in Nantes will also be holding an exhibition dedicated to Barbier, who happens to have sculpted a great many of these exotic fruits.

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France