Jacques Donguy (dir.)
Jean-François Bory. Une monographie
Les Presses du réel, 595 p., 24 euros
Avec cet ouvrage, Jacques Donguy, spécialiste des poésies expérimentales, signe la première présentation complète et systématique de la démarche d’un auteur majeur, remarquable à la fois par sa création personnelle et par le rôle qu’il a joué dans les avant-gardes depuis les années 1960. L’ouvrage, monumental, associe repères chronologiques, présentation thématique, articles sur Jean-François Bory et textes souvent introuvables de ce dernier, ainsi qu’un grand nombre de documents originaux étonnants, comme cette correspondance avec Raoul Hausmann, à qui Bory a consacré en 1972 l’unique monographie publiée de son vivant. Au fil des pages, le lecteur suit l’élaboration du mouvement de la poésie visuelle, la naissance de revues devenues mythiques comme Approches (4 numéros de 1965 à 1969) ou l’Humidité (25 numéros de 1970 à 1978), et les contacts progressivement noués avec les poètes du monde entier. L’avant-garde vivait alors dans « une sorte de pré-mondialisation » et les relations avec l’étranger étaient essentielles, les poètes japonais figurant en bonne place parmi les partenaires de Bory. « Ma vie principale, ce sont les livres, évidemment, et, derrière, des objets, des collages, des photos, des films, des lectures publiques. Tout ça, c’est beaucoup pour une seule vie ; mais comme on n’en a qu’une, autant en vivre plusieurs à la fois », dit Bory dans un entretien. Cette monographie montre bien l’importance du livre, de ses formes, de ses enjeux et de ses mutations pour Bory. Il souligne aussi son intérêt pour le photomontage, le cinéma expérimental, ainsi que son rôle pionnier dans le monde de la performance. Une somme qui rend enfin justice à l’oeuvre de Bory, et qui fera date.
Marianne Simon-Oikawa