Pierre Alferi
P.O.L, 270 p., 18 euros
Aborder Divers chaos, c’est s’aventurer dans les multiples occurrences d’une poésie, associée à la globalisation actuelle, qui se confronte à la fois aux possibilités de la dispersion et aux dangers de la contamination. Pierre Alferi est un navigateur qui décide de ses sorties sans se fixer un cap, sans attendre la clémence du temps. L’incertitude est à la base de son pilotage et l’itinéraire évolue en fonction des turbulences. Il accepte l’impossibilité d’anticiper les effets secondaires et les éventuels dommages collatéraux pouvant induire chacune de ses décisions. Son écriture composite, disparate et bâtarde repose sur la greffe, l’imitation, la duplication, l’assemblage et le mélange. Elle opère par agrégations et stratifications de matières empruntées à différents domaines et situations. Pierre Alferi porte ainsi « la parole commune » qui s’amplifie, s’emporte et se bloque dans la mutation quotidienne de la rue. Il interprète les formes extravagantes des algues, épingle les bestioles de l’été, compile de brèves notations sur des agrumes, des aromates, des fleurs, des épices, des bois et des mousses, évoque des odeurs corporelles, improvise sur la sirène de satan, se penche sur l’éclosion des pivoines, dessine des poèmes ou s’interroge sur « l’adresse impérative » d’un graffiti. Ce livre regroupe une quinzaine de suites de textes fragmentés, instables et hétérogènes. Ces textes sont imprégnés de détails, de contentions et de digressions, secoués de précipitations, de pics et de chutes, et aussi lestés de fantaisie. Ils interagissent et s’ajustent les uns aux autres « pour jouer au bord du sens » et se manifester, dans un désordre piqué au plus vif, comme un signe caractéristique de notre époque qui laisse de vastes opportunités de regards et d’interprétations.
Didier Arnaudet