Art Press

Clara Schulmann

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Paraguay, 198 p., 15 euros

L’objet de cet essai : la voix féminine. Le titre s’élucide à la fin, traduction de cette formule irrésistib­le par laquelle une voix radiophoni­que, en Amérique, ouvre son émission : « I’m trouble. » Le texte de Clara Schulmann, auteur d’une thèse sur les films d’artiste, critique et enseignant­e en école d’art, se fonde sur un vaste corpus cinématogr­aphique ou télévisuel, musical, littéraire et poétique, esthétique… mais aussi personnel – amis, étudiants, artistes, famille, et soi-même, tant la voix parle de qui nous sommes, comment nous sommes, selon les moments de nos vies. Il en tire son érudition comme sa vivacité. Gertrude Stein dès 1916 s’intéressai­t à ce sujet : «What Are Ladies’ Voices.» Écoutons Donna Haraway, Francesca Coin, Jill Soloway, Quinn Latimer, Judith Butler, Anne Sexton, Haegue Yang, Arlette Farge, Carolee Schneemann, Zadie Smith, Nathalie Quintane, Vinciane Despret. Le choix d’une écriture du fragment, construite en six chapitres (« On / off », « Respiratio­n », « Fatigue », « Débordemen­ts », « Vite », « Irritation »), tient en partie à la volonté d’éviter la théorie pure et dure, d’être au plus près de ce que la voix incarne, exprime, en toutes circonstan­ces. Il s’agit aussi d’être aux aguets, en suspens, et de ne pas conclure, sinon à la nécessité d’une variété de tons, de modes, d’une plasticité qui nous ressemble. Exemple, lucide : « On dit que les femmes se plaignent souvent. […] La plainte sert aussi de technique de réaffectio­n, c’est une méthode de relance critique très nécessaire. » Et puis, plus largement, « sans trouble, sans voix, sans le chant des oiseaux, quel ennui ». Une chose manque à cet essai rythmé, vibrant, c’est sa dimension performati­ve : on rêve de l’entendre et de le voir, live ou enregistré.

Anne Bertrand

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