Benoît Buquet
Graphics. Art & design graphique aux États-Unis (1960-1980)
PUFR, 256 p., 35 euros
Il n’y a pas que le physique qui compte. Mais il est rare que l’apparence des ouvrages de presses universitaires suscite un puissant désir de lecture. Graphics est en ce sens une véritable réussite, sa forme singulière et efficace étant en parfaite adéquation avec son sujet : une histoire possible des liens entre art et graphisme. Cet écrit académique est servi par une composition visuelle de grande qualité, conçue par Léna Araguas et Alaric Garnier, qui fluidifie la lecture et accompagne la pensée de l’auteur. « Prendre en compte le design graphique, écrit Benoît Buquet, aide [...] à faire une histoire des images moins aveugle aux dispositifs. » L’auteur s’est penché sur la scène américaine, à travers des courants artistiques incarnés par trois figures résumant divers engagements: George Maciunas pour Fluxus, Ed Ruscha pour le pop art californien et Sheila Levrant de Bretteville pour l’art féministe. Chaque chapitre est dense, fondé sur des recherches solides et des analyses approfondies d’oeuvres, servies par une écriture souple, précise et souvent agréablement piquante – à laquelle manque parfois, pour les néophytes, un lexique des termes du design graphique. L’usage du « je », trop rare dans les publications universitaires francophones, permet à l’auteur des prises de position réjouissantes : on aura compris que l’autoritarisme de l’« apothicaire fripon » Maciunas était plus ludique que dogmatique, que les graphistes féministes utilisèrent le renversement du stigmate comme un parti pris redoutablement efficace, et que Ruscha, sous des dehors quelque peu polaires, cultivait des passions iconographiques excentriques. Graphics n’est pas une somme sur le graphisme – ce n’est pas son but – mais un essai choral où les récits s’entrecroisent avec grâce.
Camille Paulhan